Toi qui me lis et je ne sais pas bien pourquoi tu fais ça, d’ailleurs, j’ai réalisé, hier, que j’avais eu envie de tromper Lhomme. Voilà 5 ans que nous partageons notre vie. Comme tout couple qui respecte la loi des couples, nous avons forniqué ardemment la première année, plus sagement la seconde, la troisième nous l’avons consacré à un projet de reproduction qui a fini par aboutir, et la quatrième, nous avons fait l’expérience de l’abstinence (j’en parle ici). Bref, nous entrons actuellement dans une nouvelle phase de notre vie intime et alors que tout se passe plutôt bien, j’ai malgré tout commencé à manigancer un plan d’adultère précis, vicieux et sale, comme tout adultère doit l’être. Un mélange de mensonges, d’alibi bidon et de honte. C’était dégueu et excitant. Ça m’a empêché de dormir dans un premier temps, puis coupé l’appétit pour finalement disparaître comme c’était venu.
Tout ceci a fait suite, en toute logique, à mon entrevue secrète (et qui n’aurait pas dû l’être) avec SB, alias Sex Bomb, aka The Rebound guy dont je parle là. Que les choses soient bien claires, afin de gérer au mieux cette délicate affaire, je vais bien sûr, me mentir à moi-même. Eh oui, c’est bien la façon la plus simple et la moins perturbante de faire le point.
ATTENTION : OPERATION DENI !
Quand je l’ai aperçu, dans sa voiture de Playmobil, je n’ai pas du tout eu envie de lui sauter dessus sauvagement. Et quand nous nous sommes poliment fait la bise, comme de vieux amis, je n’ai absolument pas pensé un seul instant à lui arracher ses vêtements et l’embrasser fougueusement. Et quand nous nous sommes baladés dans les rues pleines de charme de la vieille ville, je ne me suis pas surprise à nous imaginer, nus, étendus côte à côte, rassasiés par la chaleur de l’amour. Rien de tout ça.
Partant de ce postulat, je me demande bien pourquoi mon esprit tordu de femelle à l’équilibre hormonal en péril a commencé à élaborer des scénarios de liaison adultérine. Surtout que je n’ai pas franchement eu l’impression que SB ait exprimé quoi que ce soit en ce sens. Mais comme j’interprète très mal les signaux envoyés par la gent masculine, je ne m’aventurerai à aucune interprétation. Pour preuve, mon voisin de palier m’a avoué après deux ans qu’il était amoureux de moi et qu’il ne me l’avait jamais caché… Je n’avais rien vu. Mauvaise interprétation des signaux.
Donc, notre entrevue secrète additionnée à l’échange textotique peu conventionnel du lendemain (je lui ai peut-être, dans un moment d’égarement, envoyé une photo subtilement suggestive que je me suis hâtée d’effacer de mon téléphone), ont entrouvert une porte que je croyais fermée à double tour. La porte des interdits.
Derrière ma porte des interdits (eh oui, chacun la sienne), se cachent mes tabous, mes blessures et toutes les choses inavouables que je sais pertinemment ne pouvoir assumer car je suis de la famille des couilles molles :
- Repenser à mon connard d’ex que je conchie au plus haut point et dont la seule évocation me provoque une crise de psoriasis ;
- Parler à ma mère de notre relation peu satisfaisante (conversation impossible avec une mère juive) ;
- Reprendre les 10 kilos que j’ai perdus grâce à une mononucléose miraculeuse. Une chance pareille ne pouvant se reproduire dans une vie, je fais super attention ;
- Regarder « le Cercle des poètes disparus » sous peine de replonger dans la longue et pernicieuse dépression de mon adolescence ;
- Tromper Lhomme, foutre en l’air notre vie, blesser ma fille à tout jamais et mettre en péril le peu de confiance en moi que j’ai péniblement réussi à acquérir après 30 ans d’existence.
En fait, pour être tout à fait honnête, je n’ai jamais souhaité tromper Lhomme. Ce que j’aimerais, c’est de pouvoir vivre quelques jours dans une parfaite insouciante, faire fi de toute responsabilité, me mettre dans la peau d’une célibataire, partir à la recherche de moi-même et d’un autre qui me ferait vibrer, retrouver une dynamique créatrice, prendre des photos, écrire, chanter, danser toute la nuit, VIVRE !
A me lire, j’ai l’air d’une femme malheureuse et insatisfaite par sa petite vie de provinciale, coincée entre son confort et ses aspirations. Emma Bovary sors de ce corps ! J’aimerais pouvoir vivre plusieurs vies, voilà tout. Et pourquoi ne pas kiffer la vibes sur un adult air, un jour ?
Je reste persuadée que ce genre de choses peut arriver dans tous les couples, même les plus amoureux et les plus honnêtes. Mais j’aime trop Lhomme et je n’aimerais pas le faire souffrir. La blessure d’ego est trop violente. Je ne m’en suis moi-même jamais remise. Apprendre que l’être aimé a aimé quelqu’un d’autre c’est comme un séisme : un bruit sourd et lointain, un tremblement intérieur d’une rare violence. Et le monde qui s’écroule et qui ne sera plus jamais le même. Je ne suis pas suffisamment forte pour vivre cela. L’âge aidant, je pourrai peut-être assumer ces choix alternatifs. Je pourrai peut-être m’avouer mes désirs profonds et éventuellement réaliser certains fantasmes. Mais comment changer quelque chose en moi sans que tout change autour ?