L'époque est à la célébration de l'esprit libre. J'ai choisi de vous ramener en 1987, année où Jean-Pierre Mocky sortira son dernier grand succès Le Miraculé. 24 ans après Un drôle de paroissien où l'aristocrate incarné par Bourvil pille des troncs pour ne pas avoir à travailler, Mocky revient avec une satire du pèlerinage à Lourdes et plus largement sur la mercantilisation du religieux.
Papu (Jean Poiret) est un pauvre mec au propre comme au figuré. Il vit de petites combines et de la vente de ballons. Un soir il se fait renverser et prétexte une infirmité lui permettant non seulement de toucher des indemnités de l'assurance et mieux encore, de profiter d'un pèlerinage à Lourdes, où à la suite d'un supposé miracle il retrouverait l'usage de ses jambes tout en conservant ses indemnités. C'est sans compter sur Ronald Fox Terrier (Michel Serrault), directeur des assurances, muet qui communique avec des bruits d'animaux, accompagné de son fidèle bras droit Monsieur Plombie (Roland Blanche) bien déterminé à découvrir la supercherie. Sur son chemin cette équipe croisera une ancienne prostituée devenue Major (Jeanne Moreau), un commercial opportuniste et une gitane sans culotte (Sophie Moyse).
Mocky est entouré de sa fidèle bande avec ses premiers et éternels seconds rôles comme Dominique Zardi. Il exploite à merveille l'oeil malicieux de Poiret, la complicité du duo et l'image de grande dame de Moreau. Intrigue principale et personnages sortis de nulle part se côtoient dans un festival de gags tantôt absurdes ou gras. Avec une caméra à l'épaule, Mocky se fiche des effets stylisés. Voir Le Miraculé, c'est entrer dans une certaine idée du cinéma. Un peu artisanal, façonné par une bande de potes, le fou rire de Jeanne Moreau face à Michel Serrault sera gardé.
Au cœur du film se situe donc une critique féroce du business des pèlerinages. Par une série de scènes parfois absurdes, parfois pathétiques, Mocky nous entraîne dans un confessionnal installé dans une gare où après avoir inséré une pièce un curé s'affiche à l'écran. Les boutiques de souvenirs et produits dérivés pullulent. Le dernier miraculé propose sa biographie quand un vendeur itinérant essaye de refourguer des figurines de moines assez vulgaires. Papu se retrouve en terre inconnue, où il doit éviter d'être pris en flagrant délit et échapper à ceux qui tenteraient de profiter de son futur magot. En face, Ronald se trouve embarqué dans une sorte de secte désirant punir ceux qui feignent un handicap.
Le propos de Mocky, en dépit de cette description a priori foutraque, est cohérent du début jusqu'à la fin. Il se moque plus qu'il ne condamne sans se perdre dans un discours sous-jacent faussement moralisateur. Cruel sans être méchant, Mocky dépeint avec l'aide de Patrick Granier et Jean-Claude Romer des personnages particulièrement gratinés sans tomber dans la méchanceté ou le misérabilisme. A l'époque où les comédies aux promesses de politiquement incorrect finissent toujours par abandonner leurs propos en milieu de film, Le Miraculé finit sur une scène absurde à souhait. Rappelant qu'une comédie, c'est avant tout un humour et un ton assumé jusqu'au bout, Le Miraculé nous offre une parenthèse rare de délire absolument jouissif au propos libre.