On m'avait dit de le lire. Mais on me conseille souvent des bouquins. J'en ai des listes et des listes... Entre les auteurs que je suis depuis toujours (Stephen King notamment... Est-ce qu'une vie suffira pour lire tous ses ouvrages ?), les auteurs que je découvre à la bibliothèque, à la Fnac, dans les articles de vos blogs... Je ne sais plus où donner de la tête.
On m'avait dit de lire ce livre. Et j'ai traîné, traîné... L'autre jour, à la bibliothèque, je suis tombée dessus. La couverture m'a rappelé l'article d'une blogueuse littéraire. Et comme je ne crois pas au hasard, j'ai embarqué le pavé sous mon coude. Pourtant, le résumé ne m'emballait vraiment pas.
Ce que j'en ai pensé
J'ai lu pas mal de bouquin. Mais celui-ci m'a terriblement marquée. J'ai choisi le mot "terriblement" pour décrire à quel point il m'a touchée. C'est voulu et réfléchi. Ce livre est très agréable à lire, mais il est aussi complètement bouleversant. C'est rare de pleurer en lisant. J'ai beaucoup pleuré pendant cette lecture.
Les passages que j'ai préférés
Pendant ma lecture j'ai noté des passages du bouquin. Quel est l'intérêt ? Je ne sais pas trop, si ce n'est que j'avais envie de les partager. De les garder dans un coin.
Il y a eu le passage de la coupe de glace. Va savoir pourquoi mais ce passage m'a complètement hypnotisée. Je me suis revue, enfant, faire exactement la même chose. Et j'ai percuté, l'autre jour, en pleine dégustation de ma poire Belle Hélène, que je le faisais toujours :
"Lucile vit arriver sur la table l'énorme coupe de glace, surmontée d'une Chantilly onctueuse et abondante. Elle commença par le côté gauche, avec méthode, crème, glace et fruit en proportions égales, et ferma les yeux pour savourer."
Le passage qui va suivre est celui qui m'a glacé le sang. Celui que j'ai trouvé terrifiant. Si j'avais eu la vie de Delphine De Vigan, je pense que j'aurai fondu tous mes fusibles à ce moment-là. Lucile est sa mère. Et elle descend lentement dans une sorte de perte d'elle-même.
"Peu de temps après la mort de son frère, à l'aide d'un rouge à lèvres couleur sang, Lucile avait écrit sur le miroir de notre salle de bains : "Je vais craquer." Face à ce miroir, nous nous coiffions chaque matin Manon et moi, cette menace tatouée sur le visage."
J'ai pleuré, mais j'ai ri. Le passage des brosses à dents est l'exemple même des anecdotes décalées propres à la grand-mère de l'auteur, Liane.
"Sur l'étagère, dans un gobelet en plastique, trônaient ses sept brosses à dents. Liane en possédait une pour chaque jour de la semaine : lundi bleu, mardi rouge, mercredi jaune, selon un roulement précis et parfaitement maîtrisé. Liane considérait que les brosses à dents avaient droit au repos".
Les livres qui nous plaisent le plus sont parfois aussi ceux où l'on se reconnaît, où l'on arrive aisément à s'identifier. Ma famille n'est pas vraiment similaire à celle de l'auteure. Mais j'ai trouvé des ressemblances complètement frappantes. Ou bien est-ce que ce passage est le propre de toute réunion familiale ?
"A Pierremont, les repas constituaient à la fois la principale occupation et le principal sujet de conversation : ce qu'on avait mangé la veille, ce qu'on aillait manger le lendemain, ce qu'on mangerait une autre fois et selon quelle recette. D'ailleurs on passait la journée dans la cuisine à prévoir, préparer, débarrasser, remplir et vider le lave-vaisselles, confectionner des gâteaux, des tartes, des sauces, des crèmes, des entremets [...] on s'arrêtait pour boire un thé, un café, un apéritif, une petite tisane, on pétrissait, touillait, on laissait mijoter à feu doux, on évoquait les uns et les autres, les études, les maladies, les mariages, les naissances, les divorces, les pertes d’emploi, on énonçait des vérités sur un ton péremptoire, on rectifiait, on se contredisait, on se poussait du coude, on s'insurgeait contre le mode opératoire retenu pour la fabrication des feuilletés aux fruits de mer".
A Pierremont, les voix finissaient toujours par monter dans les aigus, les portes claquaient, et au moment où l'on en venait presque aux mains, le minuteur en forme de pomme sonnait pour nous rappeler qu'il était grand temps de sortir le gratin du four."
En plus d'avoir été touchée tout au long de ma lecture, j'ai aussi trouvé ce livre très intelligent. Les réflexions de Delphine De Vigan sont profondes. Pourquoi écrire sur sa mère ? Comment s'y prendre ? Doit-elle romancer ? Tout dire ? Comment cela sera-t-il perçu ? Il y a tant de réflexions dans ce livre qu'il en est vertigineux. Elle parle de son anorexie, une maladie dont elle a été touchée plus jeune.
"L'anorexie ne se résume pas à la volonté qu'ont certaines jeunes filles de ressembler aux mannequins de plus en plus maigres il est vrai, qui envahissent les pages des magazines féminins. Le jeûne est une drogue puissante et peu onéreuse, on oublie souvent de le dire. L'état de dénutrition anesthésie la douleur, les émotions, les sentiments, et fonctionne, dans un premier temps, comme une protection. L'anorexie restrictive est une addiction qui fait croire au contrôle alors qu'elle conduit le corps à sa destruction."
Cette réflexion, je ne l'avais jamais eue. Et j'ai trouvé l'analyse brillante. J'ai compris qu'elle avait écrit un autre livre, plus tôt, sur ce sujet justement, intitulé "Jours sans faim". Parmi ma longue liste, l'ensemble de sa bibliographie est notée, mais je crois que je commencerai par ce dernier.
Et vous ?
Avez-vous lu "Rien ne s'oppose à la nuit" ? Ou bien un autre livre de Delphine de Vigan ? Qu'en avez-vous pensé ?
Quel livre vous a bouleversé ? Lequel me conseilleriez-vous ?