Tu te rappelles de l'intello pleine d'acné toujours première de la classe au collège ? Ben c'était moi.
Et tu vois cette fille super énervante que tu croises de temps en temps et qui te donne la désagréable impression d'être un boudin, alors que 10 secondes plus tôt tu te sentais au top de ton modjo ?
Ben c'est pas moi. Et moi aussi elle m'énerve cette fille d'ailleurs. Mais n'empêche, j'en ai parcouru du chemin depuis les années collège.
Je sais, le collège, c'est facile pour personne, et ce qui va suivre est somme toute assez banal. Mais quand-même, y en a qui prennent plus cher que d'autres. Et j'étais de ceux-là !
Appareil dentaire en sixième. Boutons à partir de la quatrième – mais genre tellement que tu les comptes même plus, sauf le soir dans ton lit pour t'endormir. Grand corps maigre et gauche. Style vestimentaire tout caca.
Enfin pas pire que les autres, mais il n'en reste pas moins que c'était pas brillant, et combiné au reste, ça commençait à faire beaucoup pour la même personne. Et pour finir, cheveux pourraves !
Enfin là, c'était pas ma faute franchement. Je voudrais bien vous y voir, vous, aux prises avec une masse capillaire comme la mienne.
Même les coiffeurs n'ont JAMAIS su quoi en faire, alors moi, du haut de mes 13 ans, qu'est-ce que j'aurais pu y faire ?
Ben rien. If your hair is wrong, your entire life is wrong. Shit.
Bref, c'était mal barré pour moi. Pendant longtemps, je me suis considérée comme un monstre, et j'ai en quelques sortes vécu comme tel. Partout où j'allais, je trouvais ma présence obscène, indécente.
Je m'en voulais presque d'imposer la vue de ma personne aux autres.
Alors je préférais rester seule et regarder la vie s'écouler dehors, à l'abri derrière ma fenêtre (Mode Caliméro On). S'il y avait une chose dont j'étais persuadée, c'était que personne ne pourrait jamais aimer un être aussi répugnant que moi (Mode Caliméro Off).
Et aujourd'hui ? Le vilain petit canard s'est transformé en cygne. Non pas que je me considère comme une bombasse, pas du tout. J'ai toujours cette envie, certains matins, de briser mon miroir à coups de poings (ben oui, parce que si mon acné s’est bien arrangée, il m’arrive encore trop souvent d’avoir des boutons).
Mais je me suis apprivoisée, tout simplement, comme on a toutes dû le faire.
Le temps a fait son œuvre, physiquement et mentalement. Je n'ai plus envie de m'excuser d'être là. Je pense juste que les vieux albums photos des unes sont plus difficiles à assumer que ceux des autres.
Ce serait tellement bien parfois de pouvoir jeter un œil dans le futur, pour se donner le courage d'affronter le présent, pour savoir que des jours meilleurs viendront.
Tu es déçu(e), tu te sens trahi(e), tu t'attendais à des photos avant/après.
Eh non ! Pas seulement parce que ce serait la te-hon (t’as vu), mais aussi parce que ça ferait trop mal.
Aujourd'hui encore, même si je sais maintenant en rire, j'ai parfois la gorge serrée en repensant à cette période et à la profonde haine que je ressentais pour ma personne, à ce désir si fort que je ressentais de disparaître.
Pas seulement à cause de mon apparence d'ailleurs, il n'a pas suffi qu'on m'enlève mon appareil et que j'apprenne à dompter ma touffe pour que mon mal-être s'en aille.
C'était un peu plus compliqué que ça, parce que cette sensation d'être un monstre est apparue bien avant que ne naisse mon souci des apparences.
Et c'est pour ça que j'ai mis autant de temps à commencer à faire la paix avec moi-même et à me pardonner d'être ce que je suis.
Je n'ai pas tout à fait fini, mais je crois que le plus gros du travail est derrière moi.
Mais dans un petit coin reculé de ma tête, je suis comme ces filles qui maigrissent de façon trop soudaine et dont la perception d'elles-mêmes n'a pas le temps d'évoluer en conséquence.
Dans un petit coin reculé de ma tête, certains jours, je suis toujours ce vilain petit canard.