"Madame si, c'est obligé, vous êtes 'mannequene'
- Non Rebecca je suis professeur de français, tu le vois bien.
- Mais non, ça se voit quand vous allez nous chercher dans la cour, à marcher droite et tout, vous marchez comme une 'mannequene'"
-Euh... déjà on dit mannequin, même si tu as tendance à vouloir l'accorder au féminin, je suis même plutôt d'accord avec toi. Mais bref je ne le suis pas et de toute façon, je ne réponds pas aux questions personnelles"
Voilà l'exemple d'un dialogue parmi tant d'autres. J'ai en effet mis un pied dans le "mannequinat" (avec tous les guillemets nécessaires) et même dans le monde cruel des élections de Miss (euh... lol ?).
Je ne regrette rien (non, rien de rien) mais je ne m'en vante pas et en parle uniquement aux gens proches. On est venu me chercher, j'ai vu un peu ce qu'était ce monde, j'ai eu droit à l'obligation de perdre du poids avec des conseils géniaux de la part des bookers "Le soir tu fais un jogging, tu manges une pomme est c'est bon, tu perdras vite".
J'ai même failli signer un contrat si je perdais ces kilos si scandaleux (et si humains !) mais en, même temps je passais mon CAPES (concours pour être professeur, à la vieille époque, ça a changé depuis peu)... et j'ai eu ce fameux CAPES de Lettres Classiques. J'ai donc laissé le mannequinat de côté, soulagée, et j'exerce mon métier avec passion.
Je me revois arriver à des castings, après avoir donné mes cours de latin, au milieu de filles filiformes et livides, me sentant énorme et hors sujet. Mais je me revois aussi en train de faire une séance photo sur les toits de l'hôtel Fouquet's en robe de soirée taille 34, que j'ai déchirée en la mettant, forcément, avec un gros morceau de scotch pour retenir tout ça ;-) C'était un dimanche, j'ai été maquillée et coiffée plusieurs fois dans la journée, j'ai porté des rivières de diamants incroyables, et j'avais les "gardes du corps" des bijoutiers qui me suivaient de près...
Et le lendemain matin,me voici dans un collège difficile, à côté des Mureaux, en train de parler du Bourgeois Gentilhomme et de faire comme si de rien n'était, mais en gardant quelques paillettes au fond des yeux.
Je n'avais même pas songé à me lancer dans cet univers, on m'a tenu la main, on m'a guidée, mais ma place n'était pas là.
Néanmoins, j'en ai profité : j'ai eu des conseils précieux de la part de coiffeurs et de maquilleurs, j'ai porté des robes et des chaussures incroyables, j'ai été applaudie (?), encouragée, mais aussi jaugée, critiquée.
J'ai vu l'entraide mais aussi les coups bas (mes chaussures volées juste avant que je défile lors d'une élection de Miss, ma montre volée aussi et plein de murmures qui en disent long).
Mais le jour où j'ai défilé en maillot de bain devant 5 000 personnes en Ukraine pour une élection de "Miss World", je me suis dit que dorénavant, je pouvais oser. Tout cela n'aura été que positif car j'étais entourée et que j'ai toujours gardé les pieds sur terre. Ma timidité maladive s'est peu à peu dissipée, à présent je suis simplement réservée, il y a du mieux !
Aujourd'hui, je fais le métier dont je rêvais : j'enseigne le français, le latin et le grec, je suis très souvent la confidente des élèves qui viennent me voir à la fin du cours. Je suis une professeur sévère et rigoureuse, mais aimée de ses élèves... je crois !
Je leur transmets mon amour de la littérature en commençant chaque jour par la lecture de quelques pages d'un roman. Et je suis comblée avec mon métier. Je suis actuellement en congé maternité mais j'ai tellement hâte de retrouver mes élèves...
La question revient souvent de leur part, c'est toujours très flatteur certes, mais je mets un point d'honneur à leur dire que non, je ne veux pas qu'ils le sachent même s'ils seraient certainement "fiers" (de quoi au fond ?).
La médaille a son revers, les années passant la question s'est quelque peu modifiée "Madame, quand vous étiez jeune, vous étiez mannequene ?" Euh... Lol bis ?