Culture

Quand une femme blessée prend la plume…

10 septembre 2014 - 12 : 00
Ce sont les mots d’une femme trompée qui a appris en même temps que des millions d’autres personnes que son homme, le Président de la République, entretenait une relation avec une actrice depuis des mois.
Ce sont les mots d’une femme blessée qui a appris par un communiqué officiel de 18 mots que l’homme avec lequel elle partageait sa vie depuis 7 ans mettait fin à leur relation.
Mais ce sont aussi les mots d’une femme amoureuse, éperdument amoureuse.

« Tu as lu le livre de Valérie Trierweiler ?»
« Moi ? Tu plaisantes ou quoi, je ne lis pas ce genre de truc ! »
Ce livre va se vendre à des centaines de milliers d’exemplaires mais, bien entendu, personne ne l’aura lu. Comme toujours.

Dès que j’en ai entendu parler, je savais que je l’achèterai, moi, ce livre. Pas pour le côté sulfureux, pas pour le côté voyeur, mais parce que les dessous de la politique, le véritable visage de ceux qui nous gouvernent, ça m’a toujours intéressée.

C’est vrai que là, il s’agit d’un livre quelque peu différent de ceux habituels. La femme trompée d’un Président de la République encore en exercice qui raconte son histoire, c’est comme qui dirait inédit.

Mais après tout, pourquoi se tairait-elle ? Oui pourquoi ? On lui reproche de ne pas respecter la fonction présidentielle. On lui reproche de ne pas faire preuve de dignité. Mais lui, a-t-il fait preuve de respect lorsqu’il s’est fait prendre (au téléobjectif) la main dans le sac (à croissant) en route pour rejoindre sa maîtresse ? Est-ce un comportement que l’on peut considérer comme digne ? Pour celui qui affirmait haut et fort dans une formule désormais célèbre que « Moi, président de la République, je ferais en sorte que mon comportement soit en chaque instant exemplaire », avouez qu’il y a mieux.

Est-ce de la vengeance ? Sans doute. Elle répond à une humiliation par une autre humiliation. Elle fait sienne la célèbre loi du Talion « Œil pour œil, dent pour dent » auquel on pourrait ajouter : photos dans Closer pour Best seller.

Bien sûr, ce n’est pas le comportement le plus classe qui soit. Bien sûr, cela ne la grandit pas. Mais la réponse est à la hauteur de la violence de l’attaque. C’est ainsi qu’elle a décidé de s’exprimer. C’est ainsi qu’elle l’assume. C’est son droit.

Dès la première page du livre, le ton est donné :
« Le premier message me parvient le mercredi matin. Une amie journaliste m’alerte : « Closer sortirait vendredi en une des photos de François et de Gayet ; je réponds laconiquement, à peine contrariée. Cette rumeur m’empoisonne la vie depuis des mois. Elle va, vient, revient et je n’arrive pas à y croire. Je transfère ce message à François, sans commentaire. Il me répond aussitôt :
- Qui te dit ça ?
- Ce n’est pas la question, mais de savoir si tu as quelque chose à te reprocher ou non.
- Non, rien.
Me voilà rassurée ».

Et c’est à elle que l’on reproche de ne pas être digne, de manquer de classe ? C’est vrai qu’à ce moment-là, lui, le mec exemplaire, fait preuve d’un courage absolu.

Après avoir lu les premières pages, j’ai eu peur qu’elle ne passe son temps à ressasser cet événement, aussi violent soit-il. Mais non. Très vite, on passe à autre chose. Très vite, elle raconte leur rencontre, pourquoi elle est tombée amoureuse de lui. Et cela se sent à chaque page. L’amour et l’admiration qu’elle lui portait étaient immenses.

Elle raconte comment elle l’a soutenu dans la conquête du pouvoir. Elle raconte comment le pouvoir l’a changé. Elle raconte les phrases assassines, elle raconte le mépris, elle raconte les coups bas…

Certains lui reprochent de ne faire que des reproches, sans aucune auto-critique. Je ne suis pas d’accord, elle reconnaît les torts qui sont les siens. Elle explique l’affaire du fameux tweet concernant Ségolène royal. Elle reconnaît que c’était une erreur. Elle explique même qu’elle voulait présenter des excuses publiques mais qu’il ne le lui a pas permis.

C’est donc bien un livre sur les arcanes du pouvoir. Un livre sur les dessous impitoyable de la politique, où le moindre de vos actes est critiqué. Dire bonjour à des officiels et vous ne respectez pas la place qui est la vôtre, ne pas dire bonjour et vous êtes considérée comme froide et hautaine.

Je n’avais pas particulièrement de sympathie pour Valérie Trierweiler, je ne sais pas si j’irai jusqu’à dire que j’en ai maintenant. Mais je la comprends. Je comprends pourquoi elle a eu besoin d’écrire ce livre. Une vengeance au départ, sans doute. Mais pas que. Une envie de rétablir une vérité.

A ceux qui disent qu’avec ce livre elle fait du mal aux femmes, qu’à cause d’elle les femmes passent pour des hystériques assoiffées de vengeance, je leur dis que Valérie Trierweiler ne représente pas toutes les femmes. Elle est simplement et seulement une femme qui a décidé de raconter ce qu’elle a vécu. Peu importe ses motivations.

Elle ne devait pas écrire pour ne pas porter atteinte à l’image du Président, elle ne devait pas écrire parce qu’elle est une femme… Et puis quoi encore ? Sa vie a été disséquée, pourquoi n’aurait-elle pas le droit de dire ce qu’elle croit être juste ?

« Tout ce que j’ai écrit dans ce livre est vrai. J’ai trop souffert de mensonge pour en commettre à mon tour. Ecrire m’a aidée à faire le tri dans ce qui jaillissait de ma colère ou de ma déception. Combien de temps me faudra-t-il pour faire le deuil de cet amour ? Le Président a résumé notre histoire en dix-huit mots glacés, qu’il a lui-même dictés à l’AFP. Ces pages en sont la réplique. La dernière dans le tremblement de terre qui a dévasté ma vie. Le point final à notre histoire. Seuls les liront ceux qui veulent comprendre. Les autres passeront leur chemin, et c’est bien ainsi.

Le temps est venu de clore ce récit, écrit avec mes larmes, mes insomnies et mes souvenirs dont certains me brûlent encore. Merci pour ce moment, merci pour cet amour fou, merci pour ce voyage à l’Elysée. Merci aussi pour le gouffre dans lequel tu m’as précipitée. Tu m’as beaucoup appris sur toi, sur les autres et sur moi-même. Je peux désormais être, aller et agir, sans craindre le regard d’autrui, sans quémander le tien. J’ai envie de vivre, d’écrire d’autres pages de cet étrange livre, de ce singulier voyage qu’est une vie de femme. Ce sera sans toi. Je n’ai été ni épousée, ni protégée. Puis-je seulement avoir été aimée autant que j’ai aimé ».

Ce livre est bien plus intéressant que les quelques extraits trash qui ont été publiés pour attirer les lecteurs. Il permet de mieux comprendre les blessures d’une femme, bien plus anciennes que l’épisode de Closer. Une femme qui finalement s’est toujours sentie l’illégitime de celui pour qui elle a tout quitté et qui est devenu Président de la République. Blessures d’une femme qui a tout perdu. Alors, oui, au fond, pourquoi se priverait-elle de ces quelques mots…
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