De retour pour le classique d’octobre (fini mi novembre, mais je rattrape mon retard), 1 mois = 1 classique avec ce mois-ci Voltaire.
J’avais 2 livres de l’illustre écrivain en bibliothèque : le Traité sur la Tolérance ou Candide (et autres contes philosophiques). Le premier fait 132 pages (folio) et pour le second, l’histoire même de Candide ne couvre que 125 pages, le plus long des contes présents dans un livre de près de 500 pages (Le livre de poche).
Alors pour découvrir Voltaire j’ai cumulé les 2 (me laissant de côté les autres contes philosophiques pour 2016 – j’en garde sous le coude). C’est donc un poste double qui s’annonce devant nous : Traité sur la Tolérance et Candide, deux Voltaire pour le prix d’un.
Il faut rappeler de Voltaire l’épitaphe qui accompagne sa résidence au Panthéon : « Il combattit les athées et les fanatiques. Il inspira la tolérance, il réclama les droits de l’homme contre la servitude de la féodalité. Poète, historien, philosophe, il agrandit l’esprit humain et lui apprit à être libre. »
J’aurais pu écrire cette chronique il y a un mois dans une certaine insouciance. J’ai fermé les œuvres que je vous présente ici le 10 novembre. Depuis rien n’est plus vraiment pareil, il faut bien se l’avouer : les sirènes ne nous laissent plus dans l’indifférence, le survol d’hélicoptères nous surprend de moins en moins, chacun de nos mots peut se trouver réquisitionné par une prise de position qu’on ne savait même pas vouloir prendre.
Qu’aurait dit Voltaire de cette période troublante où l’on chante l’amour comme arme en préambule d’un discours justifiant des bombes et où, pour revendiquer nos libertés, on accepte de s’en voir privé de certaines ? J’ai la certitude qu’il aurait trouvé des mots plus justes que les miens, si ce n’est pour affirmer des grandes vérités, au moins pour nous faire réfléchir, au détour d’une allégorie ou d’un conte philosophique à l’histoire improbable.
C’est le cas de Candide. J’ai été charmée par Candide. Candide ou l’optimisme, si je dois être exhaustive, traduit de l’allemand de MR le docteur Ralph, avec les additions qu’on a trouvées dans la poche du docteur, lorsqu’il mourut à Minden, l’an de grâce 1759.
Le conte nous embarque dans les aventures de Candide (donc), élevé dans un beau château, amoureux de Cunégonde, sous l’enseignement de Pangloss répétant à qui veut l’entendre que tout va bien dans le meilleur des mondes. La suite montrera à notre héros que ce n’est objectivement pas vraiment le cas : la guerre, la mort, les catastrophes naturelles, les violences corporelles, les trahisons, la perte amoureuse, la vieillesse, l’incompréhension face aux différences, peu de choses lui seront épargnées. Mais celui-ci ne s’y résoudra point, n’objectant à Pangloss que la nécessité du labeur humain en toute fin du conte.
Les premiers mots : Il y avait en Westphalie, dans le château de monsieur le baron de Thunder-tee-tronckh, un jeune garçon à qui la nature avait donné les mœurs les plus douces.
Les derniers (la morale de l’histoire) : Cela est bien, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin.
Candide est accessible, bien écrit, divisé en cours chapitres racontant rebondissements et péripéties donnant un certain rythme au récit. La vision qu’il fait transparaître du monde est loin d’être positive au travers des yeux d’un Candide qui le comprend à sa plus grande surprise (sans même apercevoir sa chance).
Morceau choisi :
- Page 84 :
« - Oui, dit Martin, j’ai parcouru plusieurs provinces. Il y en a où la moitié des habitants est folle, quelques unes où l’on est trop rusé, d’autres où l’on est communément assez doux et assez bête, d’autres où l’on fait le bel esprit; et, dans tous, la principale occupation est l’amour, la seconde de médire, et la troisième de dire des sottises. –Mais, monsieur Martin, avez-vous vu Paris? – Oui j’ai vu Paris; il tient de toutes ces espèces-là; c’est un chaos, c’est une presse dans laquelle tout le monde cherche le plaisir, et où presque personne ne le trouve, du moins à ce qu’il m’a paru. »
Le Traité sur la Tolérance quant à lui a vu ses ventes décoller en janvier 2015 (décidément une belle année). Voltaire qui semble faire des réactions épidermiques face à l’injustice écrira ce texte après l’exécution de Jean Calas, accusé d’avoir tué son fils car celui-ci voulait se convertir au catholicisme. L’intolérance des catholiques envers les huguenots prétextant l’intolérance de l’un d’entre eux pour le faire exécuter. Jean Calas sera réhabilité après que Voltaire ait mis à mal une enquête très certainement bafouée.
Les premiers mots :
Le meurtre de Calas, commis dans Toulouse avec le glaive de la justice, le 9 mars 1762, est un des plus singuliers évènements qui méritent l’attention de notre âge et de la postérité.
Les derniers : Ces cas sont rares mais ils arrivent, et ils sont l’effet de cette sombre superstition qui porte les âmes faibles à imputer des crimes à quiconque ne pense pas comme elles.
Ces cas sont rares, mais ils arrivent…
Au détour du chapitre XV, Voltaire égraine les Témoignages contre l’intolérance et cite « Nos histoires, nos discours, nos sermons, nos ouvrages de morale, nos catéchismes » pour leurs phrases rappelant que personne ne peut contraindre par la force ou la violence un autre à sa religion ou à sa manière de voir le monde. « Par quelle fatalité, par quelle inconséquence, démentirions-nous dans la pratique une théorie que nous annonçons tous les jours ? ». Notre histoire actuelle (qui se cumule à celle avec un grand H) nous apprendrait que beaucoup n’en ont finalement pas grand-chose à faire de la théorie. Mais Voltaire, en parlant de ces rares cas, sait jouer d’un cynisme certain.
Morceau choisi :
- Page 84 :
« Le droit de l’intolérance est donc absurde et barbare : c’est le droit des tigres, et ils est bien horrible, car les tigres ne déchirent que pour manger, et nous nous sommes exterminés pour des paragraphes. »
J’aurais pu écrire cette chronique il y a un mois dans une certaine insouciance. Mais, alors que la plume se fait tellement lourde, j’apprécie de la reprendre ici accompagnée des mots de Voltaire.
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