Et l'envie furieuse d'écrire qui me prends comme une envie de pisser.
Exercice assez complexe quand on n'a pas écrit depuis longtemps. J'ai même l'impression de ne plus savoir tenir un stylo. J'ai perdu en dextérité. J'ai limite honte...
Quand j'étais gamine, il me suffisait d'attraper un cahier et un BIC et les pages se griffonnaient d'elles-mêmes pendant des heures. Dans un état second, absorbée par l'univers que mon imaginaire édifiait avec aisance ; plus rien ne comptait. Le temps et l'espace n'existait plus. Je devenais mes personnages et il me semblait tout partager avec eux ; leurs peurs, leurs joies, leur réussite, devenaient miennes. Les drames qui les touchaient me saisissaient également, et j'attendais, fébrile, de voir par la suite si le dénouement serait heureux pour mes héros.
Comme si leur destin m'échappait, leur choix déterminaient leurs parcours et eux seuls en assumaient les conséquences. Moi, j'accouchais d'eux. Je les guidais. Et je les observais évoluer indépendamment
Une quelconque obligation me tirait de ma création. Je refermais mon cahier, agacée et impatiente de retrouver mes protégés au prochain épisode.
J'écrivais sur tout et n'importe quoi. Peu importe le sujet, tant qu'il m'inspirait. Mais mes domaines de prédilection sortaient tout droit de mon imagination. J'avais ce besoin viscéral de créer .
C'était une question d'équilibre pour moi. J'avais toujours de quoi créer sur moi : un carnet, des stylos, parfois quelques feutres, il ne m'en fallait pas davantage. Tout mon univers tenait là, dans un petit sac. Toujours pensive, les adultes voyaient en moi une enfant fantasque et étourdie. Certes.
Ce qu'ils ne comprenaient pas, c'était que bien à l'inverse d'être absente et inerte, ignorant leur monde, j'étais au contraire en pleine possession de mes moyens, au maximum de mes capacités. J'observais avec intensité, écoutais avec une concentration accrue, analysais avec perspicacité. Je ne perdais pas une miette de tout ce qui se dégageait autour de moi et en comprenais beaucoup plus que ce que la plupart des gens en percevaient.
Je lisais au-delà des apparences, des mots, des gestes. Je lisais les regards et les silences. Je lisais les postures et les pas. Je lisais les soupirs et les rires. En alerte maximum, la moindre phrase attrapée au vol était une source potentielle d'inspiration. Tout était prétexte à la création. J'avais soif de vie et de compréhension.
Apprendre le monde et comprendre mes semblables. Ces visages que je croisais nourrissaient mon intérieur, instruisaient mon mental, forgeaient mon caractère, développaient ma personnalité, et en parallèle mon crayon s'aiguisait, pour la lettre comme pour le trait.