Tout a commencé en Février 2011, après un échec à mes partiels de PAES (le fameux concours de Médecine/Pharmacie). Je me suis réorientée en première année accélérée (rentrée en Février) du BTS Opticien-Lunetier. Au départ je l'avoue, un peu par défaut. La première année en poche, je suis donc passée en 2012 en deuxième et dernière année. Mais suite à des soucis de santé, j'ai été obligée de rester chez moi pratiquement toute l'année. Autant vous dire que le diplôme m'est bien entendu passé sous le nez. En 2013, j'ai donc retenté. Mais mes problèmes médicaux n'étant pas encore complètement réglés, j'ai préféré passer mon diplôme en candidate libre. En Juillet 2013, me voilà donc officiellement opticienne diplômée.
Cette année, j'avais décidé de poursuivre une dernière année d'étude en "complément" dans le marketing et le management sur Paris. C'était pour moi l'occasion de suivre mon amoureux qui commençait ses études de kiné dans la région. J'ai donc opté pour un contrat de professionnalisation (en alternance : 2 jours en cours, et 3 jours en magasin). Mes premiers pas en tant qu'opticienne étaient sur le point de démarrer ! Et me voilà maintenant à quelques semaines de la fin de mon contrat. Je peux donc enfin témoigner sérieusement sur mon métier.
Opticienne. Dans la tête des gens = vendeuse de lunettes. Certes, mais un peu réducteur vous ne trouvez pas ? Notre quotidien ne se résume pas à vendre simplement des lunettes et des verres à des prix que beaucoup jugent "exorbitants". Non, être opticienne c'est bien plus complexe que cela.
A quoi se résume notre métier ? Eh bien avant tout, à la santé visuelle. Nous sommes, comme beaucoup l'oublient, des professionnels de la santé qui interviennent en général à la suite d'une visite chez l'ophtalmologiste, qui lui est un médecin. Notre rôle est de contrôler l'ordonnance visuelle établie par le médecin en faisant réessayer la correction sur lunettes d'essais à nos clients, puis de choisir avec eux en fonction de leurs besoins, de leurs habitudes et de leurs éventuels soucis oculaires l'équipement le plus adapté à leur correction. Nous avons donc un rôle de conseil, aussi bien au niveau de l'esthétisme de l'équipement par le choix de la monture la plus adaptée à la morphologie du client, que de la technique en passant par le choix des verres, de leurs traitements et de leur centrage.
Car oui, parlons un peu plus de ce fameux centrage. Pour tous ceux qui portent des lunettes, vous avez donc sûrement expérimenté les fameuses "prises de mesures" comme les appellent les opticiens, qui consistent à vous faire regarder dans une espèce de paire de jumelles, puis à vous faire essayer vos lunettes gribouillées d'une petite croix pour prendre les "hauteurs". Cela doit vous sembler bien obscur. En réalité, cette étape est l'une des plus importantes de la vente. C'est elle qui permettra le montage précis de vos verres et qui assurera votre confort visuel. Les mesures prises avec l'appareil nous donnent votre "écart pupillaire", en d'autres termes l'écart entre les deux pupilles de vos yeux. Quant aux hauteurs, elles nous permettent de situer la position exacte de votre oeil derrière le verre dans vos conditions de port habituelles.
Car une fois la vente conclue, notre travail ne s'arrête pas là. Nous passons donc commande de vos verres qui vont nous être livrés sous forme d'un palet rond, comme ceci :
Notre premier boulot à l'atelier va donc être de centrer ces fameux pavés. Nous disposons de machines nous permettant de trouver le "centre optique" de vos verres, et de pointer à l'aide d'un crayon effaçable sa position exacte après avoir vérifié que la correction reçue correspond à votre ordonnance. C'est avec ce point-là que nous allons faire correspondre les mesures que nous avons au préalable prises sur vos lunettes. Suite à cette opération, nous allons palper grâce à une machine automatique la forme du cercle de votre verre de lunettes, et faire correspondre les centrages. La machine se chargera ensuite de détourer le verre à la forme de vos lunettes. A nous ensuite de faire les finitions, et de les monter dans votre équipement à la main. L'étape suivante consiste à vérifier la correction et les mesures, nettoyer les verres, redresser la monture et la ranger soigneusement dans son étui.
Mais ce n'est pas tout ! Il faut ensuite préparer vos papiers. Dans le cadre d'un Tiers-Payant (la mutuelle avance les frais), nous devons nous occuper de l'envoi du devis à votre complémentaire, de gérer ensuite la facturation et de préparer votre livret de vue avec tous les papiers dont vous aurez besoin pour les remboursements. Une fois votre équipement livré, si Tiers-Payant il y a eu, nous avons encore du travail : il faut envoyer les papiers signés de votre main aux mutuelles et à la Sécu, et suivre les remboursements. Sans compter les innombrables fois où nous devons nous battre avec les complémentaires pour être réglés dans les temps ou pour que votre dossier soit traité rapidement...
En plus des ventes optiques qui nous prennent en général d'une demi-heure à parfois plus de deux heures (eh oui !), nous assurons également tous les SAV et dépannages : remplacement de vis et de plaquettes, nettoyage et redressage de vos montures, examens de vue, conseils d'entretien et d'adaptation, ventes comptoirs et solaires, adaptation en lentilles de contact, et j'en passe.
Nous avons un rôle non négligeable à jouer dans la relation entre le patient et son ophtalmologiste. Les gens viennent souvent nous demander conseil en cas de souci visuel, d'inadaptation, d'inquiétude diverse... C'est un métier où la relation clientèle est très importante, qui allie aussi bien la santé que la technique, la mode et l'écoute, qui est sans cesse en pleine mutation.
Pour ma part, je ne regrette pas d'être partie dans cette voie-là. J'ai eu des périodes de doute, surtout lorsque les médias se sont acharnés sur notre profession à grand renfort de "les opticiens sont des voleurs", ou encore lorsque le gouvernement a fait passer la Loi Hamon, quand les mutuelles ont décidé de créer les réseaux fermés ou quand les remboursements optiques semblent encore et toujours tirés vers le bas... Malheureusement, tous nos confrères n'ont pas toujours été cleans, et trop d'abus de la part de certains ont conduit à la situation actuelle.
Mais n'oubliez pas, un bon opticien, un vrai, ça existe encore, et heureusement... J'espère vous avoir un peu éclairés sur l'envers du décor, bien que mes explications soient restées relativement en surface. Je vous ai livré une partie de mon quotidien, et je suis heureuse de vous avoir fait découvrir mon métier, même s'il me fait parfois m'arracher les cheveux ! :-P
Parfois, ça peut durer trèèès longtemps !
