Une édition sous haute tension symbolique et diplomatique
Alors que l’Eurovision 2025 bat son plein à Bâle, en Suisse, l’enthousiasme habituel autour du concours est cette année partiellement éclipsé par une série de polémiques politiques et de tensions géopolitiques. En réponse aux récents événements et au climat actuel, les organisateurs ont introduit une règle inédite et controversée : désormais, les artistes n’ont plus le droit de monter sur scène avec un drapeau autre que celui de leur délégation officielle.
Cette décision, confirmée par la télévision danoise DR et relayée par 20 Minutes ainsi que Puremédias, vise à éviter tout affichage politique explicite lors des performances et cérémonies officielles. Pourtant, elle soulève une cascade de réactions, dans un concours pourtant conçu dès sa création comme un espace de paix, de diversité et d’expression libre.
Une nouvelle règle dévoilée discrètement… mais au retentissement immédiat
C’est à quelques jours de la cérémonie d’ouverture que la nouvelle est tombée : les artistes ne pourront porter que le drapeau de leur délégation, délivré par le diffuseur suisse SRG SSR, y compris lors de la parade d’ouverture de la grande finale. Une mesure claire, stricte, qui s’appliquera à tous les participants sans exception, de Louane pour la France à Yuval Raphael pour Israël.
En d'autres termes, les drapeaux palestiniens, ukrainiens, arc-en-ciel (LGBTQIA+), ou même celui de l’Union européenne seront bannis des mains des artistes sur scène. Le règlement vise à préserver une neutralité apparente, mais il suscite déjà un fort débat sur la frontière entre expression artistique et censure.
Contexte : Bâle secouée par des manifestations pro-palestiniennes
Cette décision ne tombe pas du ciel. Elle intervient dans un contexte de fortes tensions, notamment après les manifestations pro-palestiniennes qui ont éclaté à Bâle, ville hôte de cette édition, au moment même de l’arrivée des délégations, le dimanche 11 mai.
Des groupes de manifestants y ont dénoncé la présence de la délégation israélienne, dans un climat de guerre prolongée à Gaza. Banderoles appelant à "ouvrir les frontières de Gaza", pancartes accusant Israël de "génocide", drapeaux palestiniens dans les rues : la scène contrastait brutalement avec l’ambiance festive qui règne traditionnellement à l’Eurovision.
Alors que Yuval Raphael saluait la foule avec le drapeau israélien à la main, des dizaines de manifestants exprimaient leur solidarité avec la Palestine, devant un public partagé et des caméras internationales.
Une mesure de “neutralité” qui soulève des interrogations
Face à cette situation explosive, le comité d’organisation suisse, soutenu par l’UER (Union Européenne de Radio-Télévision), a pris cette décision dans l’urgence. Objectif affiché : éviter la politisation de la scène, sanctuaire artistique censé rassembler et non diviser.
Mais derrière cette volonté de neutralité, de nombreuses voix dénoncent une forme de censure symbolique.
Car si les artistes sont désormais contraints à n’afficher que le drapeau de leur pays, le public, lui, reste libre d’agiter les bannières de son choix, tant qu’elles ne contreviennent pas à la loi suisse. Ainsi, les drapeaux palestiniens, LGBT+, européens ou ukrainiens sont toujours autorisés en tribune. C’est ce double traitement — une scène contrôlée, un public libre — qui cristallise les critiques.
Une règle qui vise surtout les drapeaux palestiniens et LGBT+
Bien que le texte du règlement ne cite aucune bannière spécifique, les observateurs y voient clairement une réponse à l’utilisation récente de symboles politiques par certains artistes dans les éditions précédentes.
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En 2022, des candidats avaient brandi des drapeaux ukrainiens en pleine invasion russe.
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En 2023, plusieurs membres de délégations avaient porté des épingles arc-en-ciel ou des drapeaux LGBT+, en soutien à leurs communautés.
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Et en 2024, le drapeau palestinien avait été aperçu à plusieurs reprises, aussi bien sur scène que lors des répétitions.
Cette année, avec la présence d’Israël au concours dans un contexte de conflit à Gaza, les organisateurs ont visiblement voulu éviter toute récidive. Mais en agissant ainsi, ils créent l’impression inverse : celle d’un contrôle restrictif qui nie la réalité du monde dans lequel se déroule le concours.
Louane et les autres artistes confrontés à une ligne rouge floue
La France, représentée cette année par Louane, est aussi concernée par cette mesure. Très investie dans son message musical — sa chanson Lumière célèbre la paix, la force intérieure et le dialogue — l’artiste française n’a pas réagi publiquement à la règle, mais ses équipes seraient “surprises par la rapidité de sa mise en place”, selon une source proche de la délégation française.
Plusieurs autres artistes, notamment issus de pays scandinaves et d’Europe de l’Est, auraient également fait part de leur inconfort. Non pas par volonté de provoquer, mais parce que de nombreux candidats souhaitent utiliser leur visibilité pour porter des valeurs universelles, comme le respect des droits humains ou la lutte contre les discriminations.
En interdisant tout message visuel non encadré, le concours se coupe potentiellement de cette tradition militante, qui faisait aussi sa richesse et sa modernité.
Les réactions : entre incompréhension et résignation
Du côté des associations, la colère gronde. Pour plusieurs ONG pro-palestiniennes et LGBTQ+, cette décision représente une régression. “L’Eurovision n’a jamais été neutre”, rappelle une militante. “C’est un lieu de visibilité culturelle, politique, identitaire. Ce qu’on fait là, c’est mettre un couvercle sur la marmite.”
Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes dénoncent également une forme d’hypocrisie : permettre aux artistes de parler de paix ou de tolérance, mais pas de le symboliser. Certains y voient aussi une volonté implicite de protéger la délégation israélienne de toute protestation visuelle, au détriment de la liberté d’expression.
Et après ? Une règle appelée à durer ?
Reste à savoir si cette règle survivra à l’édition 2025. Certains experts estiment qu’elle pourrait devenir un précédent, une norme pour les éditions à venir. D’autres au contraire y voient une mesure temporaire, dictée par un contexte géopolitique exceptionnel.
L’Union Européenne de Radio-Télévision n’a pas encore communiqué sur un éventuel maintien de cette restriction dans les années à venir. Mais déjà, les débats sont lancés. Et au-delà des règlements, c’est toute la philosophie de l’Eurovision qui est interrogée : un concours où les voix comptent, mais où les symboles sont désormais sous surveillance.
Un équilibre fragile entre art et politique
L’édition 2025 de l’Eurovision confirme une réalité de plus en plus visible : l’art ne peut plus être séparé de la politique. Même un événement aussi festif et coloré que ce concours musical devient le théâtre de tensions profondes, de revendications, de résistances.
En tentant de neutraliser la scène, les organisateurs espéraient sans doute restaurer la légèreté. Mais le monde a changé, et les artistes aussi. Plus engagés, plus conscients, ils réclament aujourd’hui le droit de porter un message, même silencieux.
La nouvelle règle interdisant aux artistes de l’Eurovision 2025 de porter des drapeaux non officiels cristallise les tensions entre la liberté d’expression et la neutralité imposée. Dans une époque où les symboles visuels sont porteurs de luttes puissantes, cette mesure, bien que censée apaiser, pourrait au contraire accentuer les clivages.
Quelles que soient les intentions, une chose est sûre : l’Eurovision 2025 restera dans l’histoire comme l’une des éditions les plus politiquement sensibles. Et les artistes, même silencieux, continueront à chanter, à leur manière, pour la paix, la tolérance, et la liberté.
Découvrez maintenant Eurovision 2025 : Louane en robe transparente fait sensation à Bâle, une cérémonie d’ouverture marquée par un geste controversé et Agathe Cauet sublime avec un costume symbolique pour représenter la France à Miss Monde.
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