Beauté

Eloge du poil ou comment la jachère m’a fait m’aimer mieux

03 août 2016 - 11 : 22
par Marie

Je suis brune, née avec un capital pileux certain. Non mais là, tu sais quoi, obligé ça peut que se voir ! Si c’est pas dépoilé, y’en a partout, et v’là des maxi sourcils que les gosses à l’école ils te rebaptisaient Ken le survivant, et v’là les poils sur les bras que les mêmes te disaient qu’ils sont tellement longs qu’avec eux on pourrait faire des tresses, et v’là le duvet qui te valait des Sergent Garcia en veux-tu en voilà, et v’là les poils sur les jambes « hé ho, tu l’as vu le film Gorille dans la brume, mouahhaha » (ce que les gosses peuvent être cruels parfois !).

Bon et je vous passe les classiques aisselles / maillots, bien planqués qui ne font de mal à personne. Bref, un capital pileux je vous dis, à faire saliver un psy d’envie devant le potentiel trauma-bien-hérité-de-l’enfance à traiter.

Mes poils, mon Dieu que j’ai pu les haïr : la source de tous les maux, la flagrante cruauté d’une Dame Nature qui aurait pu se garder d’autant de générosité, l’ennemi insidieux à dégommer sans état d’âme. Et tant pis si ça fait mal. Et tant pis si j’en ai fait la fortune de bien des instituts. « La totale s’il vous plaît », en moyenne tous les 15 jours, pour environ 60€ à chaque fois.

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Et puis, sans trop savoir pourquoi, ni comment, un truc est arrivé. Appelons-la « la jachère ». La vraie, genre, quand tu marches t’as les poils des deux jambes qui se touchent. Un peu comme Natalia ou Julia y’a pas si longtemps que ça.

Ça a commencé par un manque de temps pour se rendre à l’institut, c’était en hiver, du coup, à part le duvet et les maxi sourcils que j’étais bien assez grande pour me les faire toute seule, y’avait pas forcément besoin de dépoiler, bien planqués qu’ils étaient sous les pulls et autres pantalons / collants. L’été s’est fait désirer, du coup, pourquoi se presser ? Et sans déconner, j’vais pas raser, ça ruinerait toutes ces années d’épil’, bon et puis ça ne va faire de mal à personne si ça pousse un peu, ça partira d’autant mieux sous la cire.

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J’avoue avoir poussé le vice assez loin, parce que ok, jambes, maillot, passe encore dans les conditions climatiques suscitées, mais les bras ! Mais les aisselles ! À l’inesthétique de bras qui se découvraient de temps à autre, succédait la jachère progressive des d’sous d’bras. Avec un certain délice, je dois le reconnaître.

Délice, le mot est lâché. J’y vais fort, alors je m’explique. Certes, les poils c’est doux, à défaut d’être beau, mais ce n’est pas de là qu’est venu le délice. Le délice ça a été de sentir un truc que les moines bouddhistes pourraient sans doute appeler la paix intérieure.

Si, si, je suis très sérieuse. Plus de conflit, plus de peau martyrisée, plus d’arrachages agressifs, rien, juste la nature qui reprend ses droits, un peu comme l’herbe et les fleurs s’épanouissent au printemps. On n’a pas idée d’arracher des fleurs au printemps, non ?

Et cette évidence simple : c’est là, ça existe, ça fait partie de toi, de ton histoire. Tu es née sous le signe du Poil et est-ce que ça change vraiment quelque chose ? Curieusement je crois que non, je crois même être la seule à m’être aperçue du changement.

Le regard des autres n’a pas changé, je ne me suis pas mise à chlinguer davantage des d’sous de bras, les gamins ne se sont pas mis à s’enfuir en courant, je n’ai pas été larguée, on ne m’a pas moins invitée en soirée, pas moins parlé, on n’a pas davantage scruté mon visage, cherchant l’erreur dans l’ombre d’un duvet un peu trop persistant.

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Sans m’en rendre compte, j’ai commencé à regarder mes poils d’un autre œil, à ne plus les considérer comme les suppôts du diable incrustés dans ma peau. Je me suis mise à apprécier une certaine beauté du poil, brute, sans chichis, naturel. Au point d’en venir même parfois à me dire, ouais j’ai du poil et j’emmerde le monde, j’emmerde ses normes, ses règles, ses diktats, la torture physique que l’on s’impose pour être bien comme il faut. Et pour être quoi au final ? Lisse et sans l’ombre d’un poil. La belle jambe que ça me fait.

D’une certaine manière, je me suis laissée aller à régresser, à laisser place au retour de ma part animal, tout poil dehors. J’ai cessé de lutter, préférant laisser la nature gagner plutôt qu’accepter un instant de plus que le regard des autres puisse primer sur l’estime de moi-même au point d’en venir parfois à me détester. Un peu un trip dans le genre Human Nature.
 

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Et puis le soleil est revenu, l’envie des gambettes à l’air libre et des tops sans manches a pointé le bout de son nez. J’ai sorti mon Braun SilkEpil 7 de sa boîte, je me suis posée dans ma salle de bain avec un bon magazine. J’ai pris le temps, j’ai épilé, là où j’avais envie, au rythme où j’avais envie, avec une bienveillance que je n’avais jamais eue auparavant.

Même les poils ont compris quand je leur ai dis, « allez les copains, c’est pas tout mais là faut que vous preniez quelques vacances, pleurez pas, on se reverra peut-être cet hiver ».

Il n’y a qu’une zone que j’ai laissée non pas en jachère mais en nature : les bras. Allez savoir pourquoi, je n’ai pas eu envie. Peut-être parce qu’aujourd’hui, je les trouve jolis, normaux, sans rien de particulier, à part quelques poils un peu plus bruns que la moyenne. Mais bon, personne n’est mort d’avoir eu quelques poils sur les bras.

En tout cas, pas moi. Appelez-moi la femme aux poils sur les bras, aujourd’hui j’assume et j’en suis fière.

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Marie
Je suis Marie et je fais partie de la Rédac' de So Busy Girls. J'aime écrire et partager mes coups de coeur, et c'est pour ça que je suis ravie de pouvoir partager mes articles avec vous !