La dysmorphophobie, c'est quoi ?
Si on suit l'étymologie du mot, c'est la peur irrationnelle d’une anomalie physique. Anomalie qui est en fait souvent minime voire inexistante. Cependant, pour la personne souffrant de dysmorphophobie, cette anomalie est réelle et devient obsessionnelle. Elle prend une place centrale dans sa vie. L’obsession peut se concentrer sur une partie du corps ou concerner le corps entier. Cette peur est inconsciente.
La dysmorphophobie est aujourd’hui considérée comme un trouble mental à part entière. Les jeunes de moins de 30 ans sont particulièrement touchés, et ce dès la pré-adolescence.
A ce stade, vous devez vous demander pourquoi je parle de ça...
Tout simplement, parce que je pense que l’on est beaucoup à en souffrir. A des stades différents, évidemment. En effet, si seulement 1% de la population répond aux critères du diagnostic clinique de la dysmorphophobie, une proportion bien plus importante de la population en présente une forme moins sévère qui peut être définie comme étant une perception altérée et erronée de son apparence physique.
Alors pourquoi je me sens particulièrement concernée ?
Parce que je pense que le poids, la perte de poids en particulier est souvent étroitement liée à ce trouble.
Je m'explique. Lorsque l'on perd du poids, il n'est pas rare que l'on ne voit pas les changements sur soi. Souvent, on me demande "A partir de quel moment tu as vu des changements dans la glace ?" - la réponse à cette question est plus complexe qu'il n'y paraît... Parce que dans la glace, j'ai mis un an pour voir la différence. 1 an et 30 kilos de moins. Pourtant, évidemment, la différence s'est vue (bien) avant. Mais mon cerveau n'est pas allé aussi vite que ma transformation physique. On appelle cela la persistance de l’image.
En effet, j’ai été pendant 24 années de ma vie en surpoids, moquée, complexée. Il était donc inconcevable que je sois devenue mince. Ce concept a d’ailleurs été assez compliqué à expliquer aux personnes de mon entourage. En effet, comment expliquer rationnellement que je me sois encore considérée comme ronde pendant des mois après avoir retrouvé un poids normal, voire une corpulence plutôt fluette ?
Comment expliquer que la première fois que j’ai fait les magasins après ma perte de poids, j’ai demandé une taille 44 à la vendeuse. Alors que je rentrais dans un 36. Elle a cru que je rigolais. Cela n’était pas le cas. Je n’avais juste pas intégré le changement, pourtant bien présent au niveau corporel.
Comment leur expliquer que je sois encore complexée sur la plage ? Que je vois encore la majorité des filles bien plus minces que moi ?
En effet, il n’y a rien de rationnel là-dedans !
Il y a alors un danger important : le DERAPAGE. Je pense qu’il faut être conscient de ce problème de persistance de l’image pour pouvoir l’éviter justement.
Pourquoi on peut déraper ? Parce que comme on se trouve encore difforme / trop gros, on a tendance à glisser vers les extrêmes. Et l'extrême dans ce cas-là, c'est quoi ? Ce sont les troubles du comportement alimentaire. Anorexie mentale notamment. Privation de nourriture, restrictions, obsession de son poids, de son image. Nourriture au centre de ses préoccupations et de ses pensées. D’ailleurs, une étude montre que 38% des personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire souffrent de dysmorphophobie. Dans la réalité, je pensais même que c’était plus que cela.
comment faire pour ne pas passer du côté obscur de la force ?
Dans le cadre d’une perte de poids, je pense qu’il est important de :
- Prendre des photos : Voir et intégrer les changements dans la glace c'est très long. Souvent, il est beaucoup plus simple de les voir sur des photos. Vous pouvez aussi demander à votre entourage. Souvent, il aura un avis beaucoup plus objectif que vous !
- Prendre ses mensurations et noter l'évolution : J'ai eu un déclic lorsque j'ai réalisé que mon tour de taille actuel était inférieur à mon tour de cuisse d'il y a un an. Eh oui… Et là, ça trotte dans la tête et peu à peu cela fait son chemin. Peu à peu, on accepte que l’on a changé.
- Avoir des vêtements test. Un jean, c'est l'idéal. Un jean test pour voir objectivement où vous en êtes. Mais cela marche aussi très bien avec une robe ou une jupe !
- Apprendre à être fier de soi et se dire que sa valeur n’est pas relative à un chiffre sur une balance. Ca, c’est clairement le plus compliqué. Ne pas se fier au nombre. Intégrer que sa valeur n’est en aucun cas relative au poids affiché par Ginette la balance. Avoir du surpoids ne fait pas de vous quelqu’un de mauvais tout comme perdre 20 kilos ne vous rendra pas miraculeusement plus heureux et meilleur. Je pense qu’il est important d’apprendre à être fier de soi, fier des petits changements que l’on amorce chaque jour, fier de ses progrès. Il est important d’apprendre à les voir et de s’en réjouir !
- Se rattacher à des faits CONCRETS. Un poids, un IMC, un tour de taille. Tout cela c'est du réel c'est OBJECTIF, contrairement à la PERCEPTION que l'on a de soi-même qui est très largement subjective et la plupart du temps ERRONÉE.
Parfois, il est utile de se faire accompagner par une personne extérieure, un thérapeute. L’hypnose et la sophrologie par exemple sont très efficaces. Car souvent, cette phobie n’est que la partie visible de l’iceberg. Elle peut en effet être le résultat d’un traumatisme ou d’angoisses plus profondes, ou encore être le reflet d’un manque de confiance en soi par exemple.