Une menace grandissante pour la santé publique
Depuis quelques années, le moustique tigre (Aedes albopictus) s’installe durablement en Europe et ailleurs, profitant du réchauffement climatique et des étés de plus en plus chauds. Vecteur de maladies graves telles que la dengue, le chikungunya ou le paludisme, il représente un risque sanitaire majeur. Les méthodes traditionnelles, comme la fumigation ou les pièges larvaires, s’avèrent coûteuses et parfois inefficaces à long terme.
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Unsplash - Yoann Boyer
Pour enrayer cette prolifération, des agences gouvernementales misent désormais sur un procédé appelé SIT (Sterile Insect Technique), qui consiste à relâcher massivement des moustiques mâles stériles dans la nature.
Comment fonctionne la technique de l’insecte stérile (SIT)
Le principe est simple et respectueux de l’environnement. Des laboratoires spécialisés — comme la ferme à moustiques de Montpellier, unique en France — élèvent industriellement des mâles d’Aedes albopictus qu’ils rendent stériles par irradiation ou traitements biologiques, sans altérer leur capacité à voler ni leur comportement de parade nuptiale. Libérés en très grand nombre, ces mâles cohabitent avec les femelles sauvages, attirées par leur odeur et leurs parades. Lorsqu’ils s’accouplent, les femelles pondent des œufs non viables, car le sperme stérile ne peut pas assurer le développement embryonnaire.
Au-delà de l’impact direct sur la descendance, cette méthode permet de cibler (et d’éradiquer) localement la population sans recours à des insecticides chimiques, souvent nocifs pour la biodiversité. En Provence, Clélia Oliva, cofondatrice de la ferme de Montpellier, explique que la technique peut réduire la population de moustiques tigres de 60 à 70 % dès la première année, et jusqu’à 90 % la suivante, lorsqu’elle est répétée chaque semaine.
Des expériences massives en Espagne et en France
En Espagne, la région de Valence s’est lancée dans l’aventure pour 28 millions de mâles stériles relâchés d’ici deux ans dans plusieurs communes (Polinyà de Xúquer, Paterna, Torrent, Sagunte, Elche, Castellón de la Plana et Alicante). Vicente Dalmau, du département de la santé, de l’agriculture et de la pêche de Valence, souligne que la zone traitée couvre 300 hectares, grâce à la dispersion naturelle des insectes. L’objectif est de réduire les nuisances et de prévenir les épidémies, tout en préservant les écosystèmes locaux.
En France, la méthode SIT est mise en œuvre depuis 2023. La ferme à moustiques de Montpellier produit jusqu’à un million de mâles stériles chaque semaine, libérés dans les départements envahis par l’Aedes albopictus. Les premiers bilans confirment une forte diminution des piqûres et une baisse significative des signalements de cas suspects de maladies tropicales importées.
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Des alternatives complémentaires en développement
Outre la stérilisation classique, plusieurs centres de recherche explorent des pistes innovantes. À l’Université de Valence, deux projets financés visent d’abord à introduire la bactérie Wolbachia dans les œufs de moustiques. Cette bactérie, inoffensive pour l’homme, s’installe dans le système cellulaire de l’insecte et rend stériles ses embryons ou réduit considérablement sa capacité à transmettre des virus. L’autre approche repose sur l’édition génétique (CRISPR-Cas9) pour cibler des gènes indispensables à la fertilité, provoquant une infertilité héritée de génération en génération, et un contrôle durable de la population.
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Un choix écologique et efficace
Par rapport aux pulvérisations d’insecticides, souvent jugées dangereuses pour les abeilles, les papillons et d’autres insectes utiles, la libération de mâles stériles offre une solution sélective et respectueuse de l’environnement. Elle prévient la résistance aux produits chimiques et s’intègre dans une stratégie de lutte intégrée, combinée à des actions de sensibilisation (élimination des points d’eau stagnante, utilisation de moustiquaires, port de vêtements couvrants).
La mobilisation croissante des administrations régionales et nationales témoigne de l’efficacité démontrée de la SIT. Alors que chaque été voit l’Aedes albopictus gagner du terrain, cette méthode apparaît comme la plus prometteuse pour protéger la santé publique sans compromettre la biodiversité.
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Vers une adoption plus large ?
Face aux résultats encourageants en France et en Espagne, d’autres pays méditerranéens — Italie, Grèce, Portugal — étudient l’extension de la SIT à grande échelle. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) soutient ces initiatives et prépare des recommandations pour accompagner les gouvernements dans la mise en place, le suivi et l’évaluation de ces programmes.
La prochaine étape consistera à harmoniser les protocoles, à réduire les coûts de production des mâles stériles et à former les équipes de terrain. Si ces défis sont relevés, la technique de l’insecte stérile pourrait devenir la norme de la lutte anti-moustiques tigres, offrant enfin un répit durable aux populations confrontées chaque été à ces insectes venus d’Asie.
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