C’est l’histoire d’une gamine de 10 ans qui a un rêve. Elle l’écrit chaque année sur les petits papiers à l’école en début d’année. Catégorie « métier que tu veux faire plus tard ». Ecrivain. En toute humilité. Oui à 10 ans, on ne doute de rien. On rêve tout court, tout simple.
Pour devenir écrivain, il faut écrire. Ca paraît logique. Alors, la gamine de 10 ans elle écrit. Une aventure du club des cinq. Sur des petites feuilles blanches qu’elle relie entre elles avec une ficelle. Elle illustre même son histoire la gamine.
C’est l’histoire d’une fille de 12 ans qui lit autant qu’elle le peut. De tout, de rien. Assise sur le rebord de sa fenêtre, adossée sur son oreiller. Elle lit « la nuit des temps », elle lit « Sans famille ». Elle lit des livres dont on est le héros, avec un crayon, une feuille et un dé. Elle lit aussi des Harlequin, rougissant parfois, rêvant souvent.
Elle se dit que ça doit être chouette quand même d’écrire des histoires. De ne faire que ça. D’inventer des personnages. Mais ça doit être dur quand même. Oui, à 12 ans, on commence à être rattrapée par les doutes, les craintes, les « je n’y arriverai jamais ». Début d’adolescence, crise qui pointe le bout de son nez.
C’est l’histoire d’une adolescente de 14 ans qui se dit que pour devenir écrivain il faut avoir du talent. Et c’est sûr elle, elle n’en a pas. Elle serait incapable d’inventer une Scarlett O’hara ou un Phileas Fogg. Alors l’adolescente de 14 ans range dans un placard ses rêves d’encre et de plume pour un autre de loi et de robe. Avocate, oui voilà, elle sera avocate.
C’est l’histoire d’une femme de 33 ans qui n’est ni avocate, ni écrivain. Les chemins que l’on prend sont souvent différents de ceux auxquels on pensait. Pour autant, elle n’est pas malheureuse la femme de 33 ans. Elle fait un boulot qui lui plaît, elle a un presque mari (ne parlons pas des choses qui fâchent :)), elle a deux enfants. Elle est même heureuse. Le rêve d’avocat s’en est allé depuis bien longtemps, détruit par la confrontation avec la réalité. Mais le rêve d’écrivain, lui, il est toujours là. Sous plusieurs couches de poussière, sur plusieurs couches de manque de confiance. Mais il est là. Il s’accroche. Sait-on jamais que la femme de 33 ans déciderait de le sortir de sa tanière.
Il a bien raison le rêve, d’y croire plus fort qu’elle. Parce qu’un jour la femme de 33 ans décide d’ouvrir un blog. Comme ça, pour écrire des billets d’humeurs. Oui, ça elle devrait y arriver. Ce n’est pas comme écrire un roman.
Alors elle écrit. Elle blogue. Des billets d’humeurs, des critiques de livre. Elle se livre. Et elle y prend goût. Et puis elle se dit qu’elle pourrait écrire des nouvelles. C’est facile des nouvelles. C’est court. Ce n’est pas comme écrire un roman.
Une nouvelle, puis deux, puis trois, puis cinquante. Des tas d’histoires. Des tristes, des gaies, des glauques. Des tas de personnages. Des uniques et puis des récurrents. Parce qu’elle s’y attache. Parce qu’elle a envie de leur faire vivre sous sa plume. Tiens donc, et si cela pouvait être un roman ?
C’est l’histoire d’une fille de 34 ans devant son clavier, qui écrit, écrit, écrit encore. 10 pages, 20 pages, 50 pages, 100 pages. Elle raconte l’histoire de Juliette. Une p'tite bonne femme de 30 ans à l’étroit dans une vie qu’elle subit. Une fille attachante qui en a marre de dire merci. Jusqu’au merci de trop.
Au bout de quelques mois, il y a là, dans son disque dur, 200 pages d’une même histoire. 200 pages de roman. La gamine de 12 ans applaudit à tout rompre. L’adolescente de 14 ans sourit en coin. La femme de 34 ans, elle, vient de réaliser son rêve.
Il n’est jamais trop tard, même pour les vieux rêves. Même pour ceux qui paraissent hors de portée. J’ai écrit un roman. Je l’ai mis entre vos mains ici.
Oui, à 34 ans, j’ai réalisé un rêve.