Tous les couples traversent tôt ou tard (et plutôt tôt que tard, d'ailleurs) des périodes de conflits qui sont autant d'occasion d'apprendre à mieux appréhender ses différences, à mieux communiquer et à mieux se comprendre... si du moins, le couple parvient à les surmonter.
Car dans le pire des cas, ces incompréhensions ne sont jamais dépassées et mènent à la rupture, tandis que trop souvent, le couple en demeure au mieux à un statu quo, chacun campant sur ses positions en baissant tout simplement les armes et en reconnaissant que leurs différences sont tellement importantes qu'elles ne peuvent pas se rejoindre en un compromis équitable.
Il suffit de discuter avec des personnes en couple depuis un long moment pour s'apercevoir que ce phénomène est vraiment général et concerne absolument tous les couples, toutes générations, profils et personnalités confondus. Cela vient du fait qu'il existe deux réalités émotionnelles dans le couple : celle de l'homme et celle de la femme.
Les deux réalités émotionnelles de l'homme et de la femme
Si vous avez déjà eu l'impression que votre homme ne vous écoutait pas ou ne voulait pas vous comprendre, si lui se plaint constamment que lui mettez la pression et que vous lui en demandez trop, si les mêmes dynamiques se retrouvent chez vos amies, soeurs, collègues au sein de leur propre couple, ce n'est pas qu'une impression : les hommes et les femmes ne communiquent pas du tout de la même manière. C'est même encore plus compliqué que ça puisque les hommes et les femmes ont des automatismes émotionnels qui vont à l'opposé les uns des autres.
Autant dire que rien n'est fait pour faciliter la communication au sein du couple et qu'à moins de prendre précisément conscience de ces mécanismes et de trouver des solutions concrètes pour les surmonter, le couple ne pourra jamais avoir de communication fluide et naturelle permettant à chacun de s'exprimer comme il en a envie tout en se sentant respectant et en respectant également l'autre.
Plusieurs choses peuvent expliquer cette différence, qui est en partie biologique et peut également s'expliquer par l'éducation et les univers émotionnels séparés dans lesquels grandissent les filles d'un côté et les garçons de l'autre. Ce qu'il faut bien retenir, c'est que c'est la manière dont les partenaires débattent des questions sensibles et importantes qui est essentielle à la survie de leur couple. Plus que les conflits et les désaccords eux-mêmes, le seul fait de se mettre d'accord sur la façon de gérer les désaccords est essentiel à la survie conjugale.
Pourtant, une étude effectuée auprès de 150 couples mariés depuis plusieurs décennies a démontré que même après 35 ans de mariage, les hommes et les femmes continuent d'envisager de manière fondamentalement différente leurs rapports émotionnels. Les scènes de ménage font de manière générale beaucoup moins peur aux femmes qu'aux hommes, qui les trouvent déplaisantes voire insupportables tandis que les femmes n'y accordent pas beaucoup d'importance.
Dans son ouvrage L'intelligence émotionnelle, le docteur en psychologie Daniel Goleman explique que :
"Le seuil au-delà duquel les maris sont sensibles à une attitude négative est moins élevé que chez leur épouse ; la submersion (prédisposition à des déchaînements émotionnels récurrents) provoquée par les critiques de l'autre est plus fréquente chez les hommes que chez les femmes. Les maris libèrent alors une quantité plus importante d'adrénaline dans leur sang, et cette sécrétion est plus aisément déclenchée par une faible négativité de leur femme. Il leur faut en outre davantage de temps pour revenir à la normale".
Des stratégies émotionnelles opposées
Si les hommes se retranchent si facilement derrière un mur de silence, c'est vraisemblablement parce qu'ils cherchent à se protéger de ces débordements. Lorsqu'ils se referment, leur rythme cardiaque chute en effet de 10 battements par minute, ce qui leur procure ainsi une sensation subjective de soulagement.
Le problème, c'est que paradoxalement, exactement au même moment, lorsque l'homme se referme et reste impassible et silencieux, c'est le rythme cardiaque de sa femme qui fait un bond. Lorsqu'une femme parle, même si c'est pour mettre sur la table les problèmes émotionnels en vue de les résoudre, elle s'apaise instantanément : son niveau de stress diminue, elle se sent dans l'échange, écoutée, et surtout elle a espoir de pouvoir assainir la relation, être en lien et retrouver l'équilibre et la sécurité qu'elle a peut-être l'impression d'avoir perdus dans ce conflit.
Le schéma est classique, se retrouve chez tous les couples et est pourtant assez triste à observer : Daniel Goleman parle même de "tango limbique", au cours duquel chaque partenaire cherche un réconfort par des stratégies opposées : les hommes cherchent à éviter les conflits émotionnels autant que les femmes cherchent à les provoquer.
On voit alors un vrai cercle vicieux se mettre en place et dont il devient difficile pour le couple de sortir : la femme s'efforce de mettre sur le tapis les problèmes émotionnels pour les résoudre, l'homme se sent immédiatement stressé et se ferme face à une discussion qui promet d'être vive. Face à cette dérobade, la femme augmente le volume de ses plaintes et commence à le critiquer, ce qui pousse l'homme à se refermer encore un peu plus et à se montrer encore plus impassible. La femme, découragée, frustrée et fâchée, fait preuve de mépris pour souligner l'intensité de sa frustration, et face à ces critiques et au mépris de sa femme, l'homme commence à entrer dans le rôle de la victime innocente ou à éprouver ce qu'il pense être de l'indignation légitime (deux mécanismes automatiques typiques des couples où règne la mésentente).
Pour ne pas se laisser submerger, l'homme adopte une attitude toujours plus défensive ou se replie entièrement sur lui-même, mais c'est précisément ce comportement qui déclenche la submersion chez la femme, et c'est l'impasse : le cycle de conflits poursuit son escalade jusqu'à échapper à tout contrôle.
Les conseils à suivre pour surmonter les conflits au sein du couple
La première chose à faire pour éviter ou surmonter les conflits dans le couple tout en sauvegardant l'affection mutuelle, c'est dans un premier temps de bien comprendre ces mécanismes et ces stratégies émotionnelles opposées.
À chaque fois qu'une femme parle ouvertement d'un problème émotionnel, l'homme se sent stressé. Mais à chaque fois qu'il reste silencieux, qu'il évite de parler de façon directe et claire, qu'il reste impassible, c'est la femme qui se sent submergée par le stress.
Daniel Goleman conseille à la femme comme à l'homme de gérer ses émotions de façon différente. Dans l'idéal, l'homme ne devrait pas esquiver le conflit et devrait prendre conscience que si sa femme exprime ses griefs, elle le fait peut-être par amour et parce qu'elle s'efforce d'assainir et de préserver leur relation. Il explique :
"Lorsque les griefs s'accumulent, ils gagnent peu à peu en gravité jusqu'à l'explosion ; le seul fait de les exprimer réduit la pression. Les maris doivent comprendre que colère et mécontentement ne sont pas synonymes de critiques personnelles – les émotions que manifeste leur femme ne font que souligner la force de ses sentiments sur la question litigieuse".
Les hommes doivent également se garder de couper court à la discussion en proposant trop tôt une solution pratique au problème, car la femme désire avant tout sentir que son partenaire est attentif à à ses doléances et en empathie avec ses sentiments sur la question (même s'il n'est pas d'accord avec elle). Si l'homme lui répond immédiatement en 3 mots avec une solution toute prête, il se peut qu'elle perçoive sa proposition comme une échappatoire.
S'il ne fallait retenir qu'une seule chose, ce serait vraiment celle-ci : les hommes capables de rester avec leur femme quand elle est furieuse au lieu d'ignorer ses récriminations lui permettent de se sentir écoutée et respectée. Quelle que soit le sujet de discussion ou le conflit, la femme veut que ses sentiments soient reconnus et respectés, même si son mari ou partenaire n'est pas de son avis. Et le plus souvent, lorsque la femme sent que son point de vue a été entendu et ses sentiments compris, elle se calme.
D'après le docteur en psychologie, les femmes, elles, doivent suivre un conseil tout à fait parallèle. Puisque les récriminations perturbent leur mari, elles doivent dans l'idéal veiller à ne pas l'attaquer, à ne pas lui adresser de critiques personnelles ou lui témoigner du mépris mais se borner à mettre en cause son comportement, en expliquant précisément en quoi telle ou telle action les contrarie.
1. Voir la dispute comme un moyen de progresser ensemble
Daniel Goleman considère que la dispute offre aux couples une excellente chance d'exercer leur intelligence émotionnelle. Selon lui, ceux dont l'union est durable ont tendance à ne pas s'éloigner du sujet de désaccord et de permettre à l'autre d'exposer son point de vue dès le départ, avant que ne survienne les incompréhensions. Ces couples vont même plus loin : ils se montrent mutuellement qu'ils écoutent l'autre, et c'est bien ça qui est essentiel. D'après lui :
"Le sentiment d'être entendu est précisément ce que recherche le conjoint, et un tel acte d'empathie est de nature à réduire la tension."
C'est justement ce qui différencie un couple durable d'un couple qui finit par divorcer ou se séparer : dans ce deuxième cas de figure, aucun des deux partenaires ne tente de résoudre les désaccords. Pour le psychologue, "Les efforts ou l'absence d'efforts pour réduire les fractures représentent une différence décisive entre les disputes des couples unis et celles des couples qui finissent par se séparer."
2. cultiver une intelligence émotionnelle partagée
Pour éviter qu'une discussion ne dégénère, il suffirait de :
- s'en tenir au sujet de la discussion (sans se laisser obnubiler par des questions spécifiques comme l'argent, l'éducation des enfants, les tâches ménagères, les rapports sexuels) qui sont sujets de dispute)
- faire preuve d'empathie
- réduire la tension
Cette façon de faire permettrait d'empêcher que les émotions exprimées ne débordent et n'affectent la capacité des conjoints à se concentrer sur le litige.
L'idée est de toujours essayer de cultiver une intelligence émotionnelle partagée, ce qui accroît selon l'auteur de L'intelligence émotionnelle les chances d'arranger les choses. C'est cette intelligence émotionnelle partagée (capacité à se calmer et à aider l'autre à se calmer, empathie, écoute) qui permet à un couple de rendre possible les "bonnes disputes" qui renforcent l'union et neutralisent les facteurs négatifs avant qu'ils ne se développent (et qui pourraient briser le couple si on les laissaient perdurer).
3. Se calmer
Il faut toujours être bien conscient que derrière toute émotion forte se trouve un besoin impérieux d'agir. Il ne peut pas y avoir d'intelligence émotionnelle sans une bonne gestion de ses pulsions. Cela s'avère en revanche difficile dans les relations amoureuses, où les enjeux sont particulièrement importants et où l'on est tant investi émotionnellement, puisque les réactions déclenchées touchent à certains de nos besoins (l'amour, le respect) ou de nos peurs (l'abandon, la perte) les plus profonds.
Aucune solution satisfaisante ne peut être trouvée lorsque l'homme ou la femme se laissent emporter par leurs émotions. L'une des premières choses à faire en cas de conflit est donc de maîtriser ses propres sentiments négatifs et de se remettre rapidement de la "submersion" provoquée par un débordement émotionnel qui nous fait perdre notre capacité d'écouter, de penser et de s'exprimer clairement. Se calmer est donc un pas essentiel sans lequel il est imossible de s'acheminer vers un règlement du désaccord.
Surveiller son rythme cardiaque et faire une pause dans la discussion pour s'isoler au moins une vingtaine de minutes jusqu'à ce que le rythme cardiaque se calme est une excellente idée pour se calmer avant de reprendre la discussion.
Il peut également être très utile (et plus simple que de surveiller son rythme cardiaque sans cesse) de convenir que l'un ou l'autre des partenaires pourra demander une "suspension" dans la discussion dès que les premiers signes de submersion font leur apparition. Cette pause pour se calmer est indispensable pour éviter une dispute stérile et permettre de profiter d'une "bonne" dispute qui renforcera le couple.
4. pacifier son discours intérieur
Le piège, on l'a vu plus haut, est de vite tomber dans le rôle de la "victime innocente" ("Je n'en peux plus", "Je ne mérite pas qu'on me traite de cette façon") ou de se sentir enseveli par "l'indignation légitime". Être envahi par l'un ou l'autre de ces sentiments suite à la submersion elle-même déclenchée par les jugements négatifs portés sur son conjoint est tout à fait normal.
Pour ne plus les subir, il est en revanche important de les tempérer et de s'en libérer en les remettant tout simplement en question. Pour cela, il suffit de faire l'effort de se prouver à soi-même que ces pensées sont fausses et sans fondement réel. Une personne qui penserait "Il se moque de ce que je ressens, quel égoïste !" pourra remettre cette pensée en doute en listant mentalement tous les moments où son partenaire s'est montré attentionné. Pacifier son discours intérieur est un moyen efficace de sortir de la colère et de la douleur en ménageant la possibilité d'un changement et d'une solution positive.
5. Savoir écouter et s'exprimer sans rester sur la défensive
L'écoute renforce les couples. Inversement, les personnes qui finissent par se séparer ou divorcer se laissent emporter par la colère et obnubiler par les détails, et elles sont incapables d'entendre les offres de paix implicites que peut leur faire leur conjoint, et encore moins d'y répondre.
Quand on est sur la défensive, on ignore et on rejette instantanément les doléances de l'autre puisqu'on y réagit comme une agression et non comme à une tentative de changer les choses. Pour écouter sans rester sur la défensive, il est important d'être capable d'écouter ce que l'autre dit en ignorant les éléments hostiles ou négatifs du discours (ton déplaisant, critiques méprisantes, insultes) afin de rester attentif au message principal.
La seule façon de réussir à accomplir cet exploit est de considérer les propos négatifs de l'autre comme une affirmation implicite de l'importance que revêt pour lui le problème soulevé comme une tentative d'attirer l'attention.
L'idéal est de savoir écouter sans être sur la défensive mais en faisant également preuve d'empathie, en étant particulièrement attentif aux sentiments cachés derrière les paroles. Pour y arriver, il est important d'adapter ses propres réactions émotionnelles jusqu'à ce que sa propre physiologie reflète les sentiments de son partenaire. Sans cette harmonisation physiologique, son sentiment intime de ce que ressent l'autre risque d'être complètement faussé et il y a nécessairement perte d'empathie. Pour le psychologue Haim Ginott, père de la "communication efficace", la meilleure formulation possible est de dire : "Quand tu as fait X, j'ai ressenti Y, et j'aurais préféré que tu fasses Z".
6. garder en tête que Le respect mutuel et l'amour désarment l'hostilité
Ce principe essentiel est valable dans le couple comme dans toute autre relation. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'une bonne façon d'apaiser une querelle consiste à faire savoir à son partenaire que l'on est capable de voir les choses de son point de vue et que celui-ci est compréhensible, même si on ne le partage pas. On peut également reconnaître sa responsabilité, s'excuser si l'on aperçoit qu'on a eu tort, faire des compliments pour trouver des qualités que l'on apprécie vraiment chez l'autre pour favoriser les sentiments positifs.
La légitimitation, les preuves de respect et d'amour contribuent à apaiser l'autre et à améliorer la relation.
Les conflits au sein du couple sont normaux et inévitables, car nous fonctionnons tous de façon différente, et les hommes et les femmes vivent même des réalités émotionnelles opposées. La seule façon de surmonter les conflits et de les transformer en "bonnes" disputes est de cultiver une intelligence émotionnelle partagée. Cela n'a rien de facile ni d'évident, mais est possible en restant à l'écoute de l'autre, en pacifiant son discours intérieur pour rester objectif et calme, en évitant d'être sur la défensive, en faisant toujours preuve de respect mutuel et d'amour.
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