Ce devait être une opération de communication habile : en offrant son livre à ceux qui soutenaient financièrement son parti, Jordan Bardella espérait renforcer le lien avec sa base militante tout en valorisant sa pensée politique. Mais ce cadeau politique s’est heurté à une réalité juridique bien moins souple que prévu. Le président du Rassemblement National a été rattrapé par l’administration fiscale, contrainte d’annuler une opération pourtant déjà bien entamée.
Une offre trop généreuse pour rester légale
L’affaire remonte au 18 décembre 2023, en pleine promotion du livre Ce que je cherche, paru chez Plon. Jordan Bardella annonce que tout donateur versant 50 euros ou plus au RN recevra un exemplaire du livre. Sur le papier, l’initiative semble anodine. Mais fiscalement, elle contrevient directement aux règles encadrant la défiscalisation des dons aux partis politiques.
En effet, tout don versé à un parti politique peut être déduit à hauteur de 66 % de l’impôt sur le revenu, à condition qu’il soit entièrement désintéressé. Or, offrir un objet d’une valeur marchande significative, comme un livre à 22,90 euros, biaise cette logique. En permettant de défiscaliser 33 euros tout en obtenant un cadeau d’une valeur proche de 23 euros, l’opération devient fiscalement douteuse.
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Ce que dit la loi
La réglementation fiscale impose une tolérance très claire : le cadeau offert par un parti politique à un donateur ne doit pas excéder 25 % du montant du don. Autrement dit, sur un don de 50 euros, l’objet proposé ne peut valoir plus de 12,50 euros. Cette règle, mise en place pour préserver la transparence et la probité des dons politiques, est bien connue des partis.
Si le Fisc tolère de petits objets symboliques — pins, autocollants, photos dédicacées —, un ouvrage vendu dans le commerce à près de 23 euros dépasse largement le seuil autorisé. Résultat : l’administration fiscale est intervenue, demandant au RN de mettre fin immédiatement à cette pratique, sous peine de sanctions.
Une annulation discrète mais coûteuse
Jordan Bardella a dû annuler l’opération dans la précipitation, alors que 1 510 personnes avaient déjà versé les fameux 50 euros. Ces sympathisants, convaincus de recevoir un exemplaire du livre en retour de leur soutien financier, se retrouvent donc le bec dans l’eau. Non seulement ils ne recevront pas l’ouvrage, mais aucun remboursement ne leur sera proposé. Pire : s’ils souhaitent lire l’ouvrage, il leur faudra l’acheter eux-mêmes.
Cette situation embarrasse à la fois le RN, qui comptait sur cette campagne pour redorer son image intellectuelle, et Bardella lui-même, désormais mis en cause pour manque de rigueur administrative. La mésaventure souligne également une méconnaissance (ou un contournement volontaire) des règles fiscales pourtant connues de tous les partis politiques français.
Un précédent risqué pour l’image du RN
Dans un contexte où la lutte contre les fraudes fiscales et la transparence dans le financement de la vie politique sont devenues des enjeux cruciaux, ce faux pas ne passe pas inaperçu. L’image du RN, déjà souvent critiqué pour son rapport trouble avec certaines règles institutionnelles, risque de pâtir de ce nouvel épisode. D’autant que le parti s’était efforcé, ces derniers mois, de soigner son crédit républicain, à l’approche d’échéances électorales majeures.
Du côté des oppositions, certains n’ont pas tardé à ironiser sur “l'amateurisme” de cette communication improvisée. Pour d’autres, il s’agit au contraire d’un acte délibéré, camouflé sous des apparences généreuses. Reste que cette erreur ne devrait pas avoir de conséquence pénale, mais elle expose potentiellement le parti à des contrôles renforcés dans les mois à venir.
En résumé
Jordan Bardella pensait offrir un livre en contrepartie d’un don pour dynamiser le soutien financier au RN. Mais cette opération, jugée non conforme aux règles de défiscalisation, a été rapidement stoppée par l’administration fiscale. Résultat : 1 510 sympathisants ne recevront pas l’ouvrage promis, et le parti a dû faire machine arrière en urgence.
Ce couac souligne les risques de l’amateurisme fiscal dans les campagnes de financement politique. À l’heure où les partis doivent redoubler de transparence et de rigueur, cette erreur pourrait coûter cher — pas en argent, mais en crédit politique et médiatique. Car s’il y a bien une chose que le Fisc n’aime pas, c’est qu’on essaie de détourner les règles pour en tirer un avantage personnel… ou électoral.
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