Une décision choc pour protester contre le contrôle de l’âge
À partir de ce mercredi 4 juin 2025, les internautes français ne pourront plus accéder à Pornhub, YouPorn et RedTube, trois des plus grands sites de vidéos pornographiques au monde. La maison mère Aylo, géant de l'industrie du X en ligne, a annoncé la nouvelle lors d’une conférence de presse, expliquant vouloir protester contre la mise en œuvre du contrôle obligatoire de l’âge imposée par la France.
Unsplash - Kenny Eliason
Ce blocage volontaire n’est pas qu’un simple acte technique : c’est une démonstration de force symbolique contre les mesures que l’entreprise juge intrusives, inefficaces et dangereuses pour la vie privée des internautes. En lieu et place des célèbres pages d’accueil et de leurs vignettes aguicheuses, les visiteurs français seront redirigés vers une page de lobbying, accusant la France de porter atteinte aux droits numériques fondamentaux.
Pourquoi ces sites sont devenus inaccessibles en France
Depuis juillet 2020, la législation française impose aux plateformes pour adultes de s’assurer que leurs visiteurs sont bien majeurs. Fini le simple bouton « J’ai plus de 18 ans » cliqué machinalement. Place à des méthodes plus robustes, comme l’identification via une carte bancaire, une pièce d’identité ou un service tiers agréé. Or, c’est précisément cette obligation que conteste Aylo.
La société ne refuse pas de protéger les mineurs, mais estime que le fardeau de cette vérification ne devrait pas reposer sur les éditeurs de sites, mais sur les géants du numérique. Elle pointe du doigt Apple, Google et Microsoft, accusés de ne pas offrir de solution universelle intégrée dans les terminaux ou navigateurs, et de laisser les éditeurs seuls face aux obligations légales.
Une mesure préventive avant des sanctions renforcées
Si le timing de ce blocage n’est pas anodin, c’est parce que le 6 juin 2025 marque un tournant législatif majeur en France. À cette date, l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), le régulateur des médias, sera habilitée à mettre en demeure tout site pornographique qui ne respecte pas la loi, même s’il est hébergé ailleurs dans l’Union européenne.
Surtout, grâce à la loi SREN (Sécuriser et réguler l’espace numérique), l’Arcom pourra obtenir le blocage pur et simple d’un site via les fournisseurs d’accès Internet, sans même passer par un juge. Face à cette pression, Aylo a préféré anticiper et suspendre l’accès volontairement pour marquer sa désapprobation, tout en préservant juridiquement ses intérêts.
Un précédent aux États-Unis, un test en France
Ce n’est pas la première fois qu’Aylo agit de la sorte. Ces deux dernières années, le groupe a désactivé l’accès à ses plateformes dans plusieurs États américains ayant instauré des obligations similaires de vérification d’âge, comme la Louisiane, la Virginie ou l’Utah. Là aussi, l’argument principal était le caractère disproportionné des mesures et le manque de garanties en matière de protection des données.
Mais le cas français est bien plus stratégique. Selon les données d’Aylo, la France est le deuxième pays au monde en termes de fréquentation de Pornhub, avec plus de 7 millions de visiteurs uniques quotidiens. Un chiffre vertigineux qui montre l’importance du marché et l’ampleur du choc pour les utilisateurs… mais aussi pour les autorités.
Un bras de fer entre protection des mineurs et liberté numérique
La bataille entre l’État français et l’industrie du X repose sur un équilibre délicat : comment empêcher les mineurs d’accéder à des contenus réservés aux adultes, tout en garantissant la confidentialité, l’anonymat et la liberté d’accès des majeurs ?
L’Arcom a tenté de calmer le jeu en publiant un guide technique à l’usage des éditeurs, censé détailler des méthodes de vérification respectueuses de la vie privée. Mais Aylo, et d’autres acteurs de l’industrie, estiment que ces solutions sont encore trop invasives, coûteuses, ou inapplicables en l’état.
Selon eux, le risque de fuite de données sensibles ou d’identification abusive d’utilisateurs est bien réel. Ils redoutent aussi une chute de trafic drastique, et donc de revenus, si les internautes se détournent des sites officiels au profit de plateformes moins scrupuleuses, souvent hébergées à l’étranger ou sur le dark web.
Des sites très fréquentés, souvent au cœur de polémiques
La décision d’Aylo relance également le débat autour de la place centrale qu’occupent les sites pornographiques dans l’écosystème numérique français. Pornhub, notamment, figure régulièrement dans le top 5 des sites les plus visités en France, devant certaines plateformes sociales et chaînes d’information.
Mais cette popularité n’est pas sans controverse. Depuis dix ans, Pornhub a été au cœur de nombreux scandales : vidéos non consenties, contenus pédopornographiques, revenge porn, piratage de vidéos payantes… Le site a dû retirer des millions de contenus, renforcer sa modération et revoir son modèle.
Depuis 2023, le groupe a été racheté par Ethical Capital Partners, un consortium d’investisseurs canadiens qui promet une transformation radicale : renforcement de l’éthique, modération accrue, respect des lois, et collaboration avec les autorités pour mieux encadrer la diffusion des contenus.
Ce que les internautes français verront désormais
Dès ce mercredi, tout visiteur français tentant d’accéder à YouPorn, RedTube ou Pornhub sera accueilli par une page statique. Celle-ci affichera un message de protestation rédigé par Aylo, expliquant les raisons du blocage, critiquant les mesures françaises et appelant à une solution technologique globale, respectueuse des libertés individuelles.
Cette page servira donc à lobbyer l’opinion publique et à mettre la pression sur les pouvoirs publics. Mais elle risque surtout de frustrer les internautes, nombreux à se sentir pris en otage dans un bras de fer dont ils ne sont pas les décideurs.
En résumé : un test grandeur nature
La France devient aujourd’hui le théâtre d’un affrontement inédit entre législateur et géant du X, avec des enjeux multiples : protection des jeunes, respect des libertés numériques, souveraineté des plateformes, modèles économiques, et avenir de la régulation sur Internet.
Ce blocage, qui concerne des millions d’utilisateurs, pourrait devenir un précédent mondial. Car si les autorités françaises tiennent bon, et que d’autres pays suivent, l’industrie pornographique en ligne devra peut-être revoir profondément ses modèles.
À l’inverse, si Aylo réussit à rallier l’opinion, et que les blocages provoquent un tollé, cela pourrait contraindre l’État à revoir ses ambitions réglementaires. Un bras de fer qui ne fait, sans doute, que commencer.
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