Dans la vie, on est perpétuellement confronté au regard d’autrui. C’est un fait indéniable, on apprend à faire avec. Là où ça me pose problème, c’est quand les autres te « jugent » à grands coups de clichés bidons et autres stéréotypes infondés mais très fortement ancrés dans les consciences collectives.
Avec le tollé sur le mariage gay, on a vu une déferlante de ces fameux clichés, d’amalgames en tous genres aussi stupides les uns que les autres (homo=pédophile pour n’en citer qu’un ; probablement le plus débile aussi). Je ne reviendrai pas sur ce sujet avec son lot de débat plus ou moins stérile.
En revanche, il existe une autre réalité toute aussi dérangeante au sein même de cette « « « communauté » » » homo : l’homophobie.
Non non, je ne me suis pas trompée de mot.
Que je vous raconte un peu !
Je fais donc partie de la catégorie « lesbienne » et de la sous catégorie « féminine ». Oui, j’insiste sur le SOUS catégorie car c’est comme cela que c’est perçu dans le « milieu ». [Qu’on soit clair : Je ne suis pas du genre à crier à qui veut l’entendre que je suis homo. A vrai dire je m’en contrefous, mais quand on me pose la question, je ne vois à ce jour encore aucune raison valable de mentir ou détourner le sujet]. Créer des communautés est déjà à proprement parler ridicule (à moins qu’on ne parle de la communauté humaine) mais faire des communautés, dans les communautés… Non mais sérieusement ! Bref. Les lesbiennes féminines ont ainsi hérité du charmant nom : lisptick… ça en dit déjà long sur le collage intempestif d’étiquettes en tout genre. A croire que les homos n’en ont pas assez, il faut en plus qu’ils en rajoutent. Bref.
Ca peut doucement vous faire rire, mais croyez moi, au quotidien, c’est un véritable fardeau. Non seulement tu portes ton fardeau « homo » aux yeux de la société, mais en prime t’en rajoutes un dans ta propre « « « communauté » » » ; là où t’es censé te sentir bien, à l’aise, chez toi avec tes paires. Bah que nenni.
Être féminine quand t’es lesbienne, c’est un peu comme être grosse et mannequin ou encore être routière et hétéro: il y a un truc qui coince dans l’esprit des gens – ah oui, ça colle pas au cliché. Dans l’esprit des gens, la lesbienne est forcément moche, masculine avec une carrure de déménageur breton ; et si elle est féminine, c’est forcément un machin surmonté de gros nichons qui aime forcément les objets, adore de temps en temps (souvent) se taper un mec – parce que tu comprends, 2 femmes ne peuvent pas se satisfaire sans messieurs ; ah et surtout elle a un QI qui frôle celui d’une huitre. Ce deuxième cliché est bien sûr largement inspiré des films X et autres fantasmes masculins.
Du coup, quand tu dis que t’es gay à des homos, ça donne : t’es trop féminine pour être homo, t’es plutôt bi non ? T’as juste voulu essayer les filles, t’es trop fifille pour être une vraie lesbienne (vraie ?! Parce qu’il en existe des fausses ?).
Et quand tu le dis à un mec, ça donne : t’as déjà essayé avec un gars ? C’est parce que t’es pas tombée sur le bon. Tous les mecs ne sont pas bruts. Ou encore : un truc à 3 ça t’intéresse ? Si non, je peux faire que regarder sans toucher ?
STOP. Non : je ne suis pas un singe qui exhibe ma vie intime à tous les gugus qui passent. Il faut arrêter de prendre ses fantasmes et autres films de boule pour la réalité.
Et pourquoi donc une femme, lesbienne, devrait ressembler à un camionneur tout juste sortie de son poids lourd ? En me creusant un peu le cerveau, j'aperçois 3 explications (tordues) possibles à ce cliché (si vous en voyez d’autres je prends !) :
1. Une lesbienne a les mêmes attirances qu’un homme, elle doit donc ressembler à un homme.
2. Dans un couple lesbien, il manque un homme : de ce fait, au moins une des deux doit ressembler à un homme, histoire de faire « homme-femme » pour rentrer dans les « convenances ».
3. Parce que la lesbienne est le fantasme masculin par excellence ; or, problème car
lesbienne = aime exclusivement les femmes (si on enlève le « exclusivement », c’est plus lesbienne, mais bi hein, juste pour info). Bref, de cette relation femme/femme exclusive, les hommes en sont exclus = Frustration.
Doit-on en conclure alors que la frustration veut que les lesbiennes (inaccessibles aux hommes) soient forcément moches et ressemblent à des gros thons/baleines/camions pour que la frustration de ces messieurs soit moins grande ?
Le corolaire existe également pour ces mesdames : si les lesbiennes sont masculines alors… pas de risque pour elles qu’on leur saute sauvagement dessus vu que les lesbiennes sont forcément attirées par des garçons manqués (je ris rien que de l’écrire).
Qu’à cela ne tienne, je vais vous dévoiler un scoop…
Je suis lesbienne mais…
- Je fais 1m61... et un truc du style 54kg… (sacré déménageur !)
- Je n’ai dans ma garde-robe que 2 pantalons… tout le reste n’est que jupes et robes.
- Pareil pour les chaussures, je n’ai qu’une paire de basket (pour aller courir), le reste n’est que talons, bottes, cuissardes.
- Pour couronner le tout, j’ai les cheveux longs
- Je déteste le foot
- Je fais partie des filles qui ne sortent jamais si elles ne sont pas maquillées.
- Et comble du comble… je bosse dans un magasin de cosmétiques…
- Ah, et enfin j’ai une 206… alors à moins que, telle la citrouille elle se transforme, je ne pense pas pouvoir la cataloguer en tant que semi-remorque.
Eh oui, je ne rentre donc pas dans le moule (ne cherchez pas de jeu de mot… il n’y en a pas).
Mais cela dit, je ne jette pas la pierre aux hétéros car j’arrive à être refoulée par mes compères à l’entrée des boîtes gay car « je n’ai pas le style homo » (ah, il y a donc un « style »… et c’est quoi le style hétéro ?)… et je crois d’ailleurs que c’est même plus difficile d’être rejeté par sa « « « communauté » » » ; ces personnes qui finalement ont vécu le même parcours que toi dans la construction de leur identité : doute, question, peur, rejet.
Quand t’es confronté à ça, c’est une véritable catastrophe : tu en viens à remettre en question la légitimité de tes attirances sexuelles. Ainsi, j’ai eu ma période « garçon manqué » pour me fondre dans la masse ; passer inaperçue et ne plus prendre de refoule.
L’horreur absolue.
Je n’ai jamais été aussi mal de ma vie : je n’étais pas moi. Pour sortir en boîte, je faisais l’inverse exact de ce que j’étais : baggy, la fameuse chemise à carreaux (oui, tous les clichés que tu as entendus y passent), pas de maquillage, pas de bijoux sauf la fameuse bague au pouce… pire, j’ai même acheté une ceinture arc-en-ciel pour bien étaler au grand jour mes attirances…
Heureusement que le ridicule ne tue pas, mais c’est ça ou il ne se passe rien car les lesbiennes ont peur des filles féminines,elles sont des « supercheries » (entendez par là « ce ne sont pas des vraies lesbiennes »), des filles là juste pour « essayer », des bi qui les plaqueront forcément pour partir avec des mecs (oui, un autre truc que je ne comprends pas : les homos n’aiment pas les bi non plus). Les clichés pullulent.
Du coup, tu vis l’impensable ; en tant qu’homo tu vis l’hétérophobie (note : ce mot n’existe même pas dans le dictionnaire Word)…
Soit dit en passant, toutes les lesbiennes féminines que je connais ont traversé cette période du « je tente de me masculiniser pour coller à ce que les clichés attendent de moi » ; n’est-ce pas stupide d’en arriver là pour se sentir accepté ?
Je n’ai jamais été draguée par une fille… Jamais. Que par des mecs, même en boîte homo, même à la Gay Pride… que des hommes (ouais, certains ont vraiment une nouille à la place du cerveau)… Bravo le veau !
Et le summum, c’est que même quand je suis en couple, les filles avec qui je suis ne sont pas jalouses des autres filles, non non. Elles sont jalouses des… hommes ! Bah ouais, t’as jamais tenté donc forcément, tu vas avoir la curiosité de le faire ; pis vu ton physique, t’es forcément pas lesbienne… Logique de clichés. CQFD.
Hey cocotte, je n’ai jamais été infidèle (quoi, une homo qui n’a jamais trompée, tu rigoles ou quoi ?!!), mais si je devais l’être… j’irai forcément avec une femme.
J’ai pourtant pris le contre pied : j’ai travaillé dans un bar gay… et bien que j’étais à l’étage lesbien : je n’ai été draguée que par des mecs, là encore. 6 mois après, certaines de mes clientes me demandaient encore pourquoi je bossais là, sous entendu, qu’est-ce qu’une hétéro fout en tant que barmaid dans un bar gay ?
Mieux, j’ai eu une asso pour jeunes homos (prévention suicide et MST) pendant 6 ans. Les personnes de la Mairie me demandaient pourquoi j’étais présidente et pourquoi nous n’avions pas mis une personne gay ?
Comble de la chose, quand j’ai arrêté l’asso, ma chérie de l’époque était venue à la dernière réunion… stupeur de certains adhérents : mais t’es homo ?
Cela dit, difficile de lutter contre ces clichés persistants. Quand la Mairie de la ville voisine m’a tannée pour que mon asso ait un char à la Gay Pride, je n’étais pas emballée (je déteste le militantisme et ne suis pro Gay Pride ; je dirai même que je suis contre car ça véhicule une image trop minimaliste). Et puis, après maintes réflexions, j’ai accepté à condition que sur le char il n’y ait que des personnes en costard/cravate et tailleur jupe… le tout avec de la musique pop.
Refusé.
Motif : pas assez festif, pas assez « gay ». On m’a dit que mon asso « refusait les codes homosexuels ». Mais comment peuvent-ils balancer des inepties pareilles ?
Cliché quand tu nous tiens…
Je suis désolée mais non. Pour moi il n’y a pas de codes, ni dans l’hétérosexualité, ni dans la bisexualité, ni dans l’homosexualité : t’es comme ça et puis c’est tout ; je ne vais pas changer mon apparence juste à cause de mes attirances ; et inversement. Pour moi, être homo ce n’est pas festif non plus (quoi, tu fais la bringue quand tu sais que t’es hétéro toi, tu vas aller te dandiner le boule sur un char ?). Etre homo, c’est être comme tout le monde et en chier un peu plus dans la construction de ton identité. Ça s’arrête là.
Depuis ce jour-là, je n’ai plus mis les pieds dans une GP. Et quand je vois le tollé suscité par les débats pro/anti mariage… ça m’énerve et en même temps, comment être crédible quand tu vois les homos, une fois par an, sur des chars avec des strings en cuir ? Les gens ne s’arrêtent trop souvent qu’à ça… et ne cherchent pas plus loin pour voir/comprendre la réalité homo. J’ai des proches qui ne sont pas pour ce fameux mariage… mais sachant que je suis gay me disent « mais toi c’est différent ». Oui c’est différent parce que je suis comme tout le monde et que ce n’est pas demain que j’irai trimballer mon cul en string léopard sur un char avec du scotch sur les tétons. C’est différent, mais l’homosexualité c’est aussi et majoritairement ça : des gens qui ont une vie tout ce qu’il y a de plus normale.
Bref, il y a bien des choses qui m’énervent. Comme cette nana de 40 balais (qui m’a décidée à écrire ce billet) qui vient te dire « toi t’es une fausse lesbienne » alors que madame est restée mariée 10 ans, a 3 mouflets, et se tape sa première nana depuis 2 mois !
J’en ai 29, j’ai su que j’étais gay alors j’avais 13 ans, je n’ai jamais été avec un mec... Ah mais pardon, toi t’as les cheveux courts alors t’es une « vraie ».
Ça me fait doucement rire…
Dans le même style un jour, je me ballade en ville… et je vois 2 filles qui se roulent une pelle. C’est assez rare et j’ai dû marquer un temps d’arrêt ou je ne sais pas ce que j’ai foutu mais ça m’a interpellée. Toujours est-il qu’elles m’ont insultée comme la pire des homophobes qui soit… Ma réaction ? J’ai ri comme une pintade.
Moi gênée par 2 nanas qui se galochent… ? Ah ah, ça serait un comble non ?
Ma chérie a pas mal d’homos dans son entourage (j’en ai 2…). Souvent, il y a des soirées avec pas mal de lesbiennes. Mon surnom ? L’hétérote/la fifille. Bravo… ça en dit long sur les consciences collectives et sur l’ancrage des stéréotypes. D’ailleurs, souvent elles parlent de leurs conquêtes (ouais ça c’est un truc de lesbiennes)… et d’un coup, elles percutent que je suis là... « ah oui, mais toi c’est différent ». Mais p**** différent de quoi ?! En termes de conquêtes, je peux même dire que je les ai « battues » haut la main (mais chuuut, je rentrerai dans le cliché de la lesbienne chope tout ce qui bouge). La seule différence, c’est qu’elles n’ont pas à faire le premier pas… et que moi si, car je ne suis pas « identifiée » en tant que lesbienne. Mais là où c’est paradoxal, c’est que les filles féminines sont aussi le « fantasme » des lesbiennes… Du coup, quand t’es homo et féminine : je te garantis que tenter de construire une vraie histoire, ça devient un joyeux bordel ! Et oui, c’est une autre réalité ça aussi…
Pour conclure, je dirai que la masculinité n’est pas le lot des lesbiennes. Certaines sont très féminines, d’autres le sont moins, comme dans la population féminine en général.
Et oui, chez les hétéros (comme chez les homos), il y a des belles femmes, des moins belles, des moches, des intelligentes, des connes, des minces, des potelées, des petites, des grandes, des masculines, des féminines (et même des androgynes dis-donc !).
A mon sens, les filles très masculines (qu’on appelle « Butch » en opposition à « Lisptick » ; ridicule non ?) ont-elles un problème avec leur féminité ? Ça me fait penser à un article – dont je n’ai plus la source – qui parlait de ça et disait que ces filles ont finalement autant de problème avec leur féminité que celles qui portent des jupes ras la moule à -15°C, celles qui se font refaire les seins, ou se bousillent le dos à force de porter des talons de 15 cm…. Je trouve le raisonnement intéressant. Après tout, c’est quoi la féminité ?
Enfin bref. De tout ça, je ne sais pas ce qui me dérange le plus : faire partie d’une « communauté » ou justement ne pas rentrer dans les codes de cette communauté…
J’men fous, je fais partie de la communauté humaine ; c’est déjà pas mal.