Bien sûr, vous pourriez dire que c’est facile d’être en colère puisque je suis instit, et que les instits ne sont finalement jamais contents, hein, c’est bien connu !
Oui, vous pourriez… mais en ces temps troublés, vous vous rendez bien compte j’en suis sûre qu’il se passe quelque chose de terrible et dont je m’étonne que personne n’en parle tout haut finalement. Je vous livre donc les saines (?!) colères qui m’habitent en ce moment :
Je suis en colère car je ne comprends pas l’ignorance qui est faite des réalités du terrain et des différences d’enseignement selon que l’on habite en zone difficile ou non.
Je suis en colère car la promesse d’une égalité des chances est une promesse intenable si l’on ne prend pas en compte justement ces différences de niveaux, de vie, de culture... pour trouver les bonnes solutions.
Je suis en colère car par « le lissage » tant souhaité par « mon » ministère, c’est un nivellement par le bas que l’on vise. On ne vise plus que la moyenne, quitte à freiner certains élèves différents ou avec des envies, des qualités, des résultats.
Je suis en colère car je ne comprends plus la mission qui est la mienne d’éduquer, d’assister, de résoudre les problèmes sociaux et familiaux, ET (enfin) d’enseigner !
Je suis en colère que l’on ne reconnaisse pas justement cet « autre métier » que j’exerce par rapport à mes collègues dans des environnements différents.
Je suis en colère car je me sens seule et incomprise face à ma hiérarchie (alors que nous sommes des milliers… seuls).
Je suis en colère car même au collège, je m’aperçois qu’on ne s’attaque pas à ce qu’il faudrait en supprimant les langues « mortes » et vivantes.
Je suis en colère que l’on me demande d’enseigner en même temps les bases du français et des mathématiques, les sciences, l’histoire et la géographie, le sport, l’anglais, l’éducation civique, l’informatique… sans changer les quotas horaires, sans tenir compte du manque de matériel (1 poste info pour 4 à 5 élèves par exemple) et en ne comprenant pas pourquoi on n'y arrive pas.
Je suis en colère car l’on n’aide ni ne favorise l’apprentissage « autrement » pour venir en aide aux élèves qui sont en difficulté sur les apprentissages scolaires.
Je suis en colère de ne plus me reconnaître dans ce système éducatif public qui se municipalise de plus en plus. Je suis contre une éducation par municipalité qui ne ferait qu’accentuer les disparités entre 2 écoles de communes aux moyens différents.
Je suis en colère que l’on ne mette plus en valeur le travail que l’on essaye de faire du mieux que l’on peut souvent au détriment de notre famille (et de notre santé parfois) pour combler les failles et essayer de faire correctement ce métier que l’on fait par passion.
La liste pourrait ne pas s’arrêter mais mes principales inquiétudes sont là. Quid de ce système éducatif dans lequel je me suis engagée pourtant depuis 8 ans. Que je ne connais qu’au travers des ZEP depuis 8 ans aussi et qui ne cesse de se détériorer. Ces colères sont celles de l’instit mais aussi et surtout de la maman qui se pose beaucoup de question sur la suite de la scolarité de ses enfants dont l’une arrivera en cycle 3 l’année prochaine.
Alors je vais puiser au fond, tout au fond de moi, ces petites paillettes bisounours qui me donnent encore (un peu) d’espoir pour notre éducation. Car oui, aujourd’hui, j’ai mal à mon Education nationale.