A mon sens, Arte est de loin une des chaînes les plus formidables de celles proposées sur petit écran. Les documentaires qu’ils choisissent de diffuser ont la faculté de me mettre dans tous mes états, de me scotcher sur place, de me faire plonger dans mes plus profonds retranchements, de soulever des questions que j’envisageais vaguement. Et je trouve ça incroyable, en moins de deux heures, c’est toute une nouvelle réflexion qui s’offre à vous. J’aime beaucoup les livres, mais je trouve les docs bien plus accessibles et souvent plus compréhensibles quand il s’agit de sujets un peu particuliers (compliqués, sensibles…).
Hier, je suis tombée sur « La gloire des putains », disponible sur Youtube, et… comment vous dire… Je souhaiterais vraiment que tout le monde puisse voir ce documentaire. Sans voix off, il est présenté comme un film (un peu à la manière « Women are heroes » de JR si vous l’avez vu, sinon je vous le recommande puissance 1000 !), et sans fioritures, on est face au quotidien de prostituées, de très jeunes filles et de très vieilles femmes, vivant dans une misère saisissante. Découpé en trois parties, on nous présente l’Asie, l’Inde et le Mexique, et on se rend compte à quelle point la prostitution est propre à chaque pays, à chaque culture, à quel point les questions que cela soulève sont bien différentes selon les continents, les religions, les cultures. Tout en restant identiques.
J’ai été sidérée, sidérée par la misère, par la violence des hommes, par ces femmes dépossédées de leur corps, piégées par leur condition de femmes, sans perspectives, sans idée du bonheur… En 2014, il y a encore tellement de décalage. Alors on le sait hein, on n’est pas débiles, mais parfois on oublie, un peu. On pense à soi, parce que nous ne sommes pas des psychopathes sadiques qui portons toute la misère du monde sur nos épaules et qu’on a envie d’être heureuses aussi. Mais… Les mots me manquent tant ce documentaire m’a bouleversée.
Je me questionne sur notre époque, sur notre humanité. Sur la considération de l’être humain et particulièrement de la femme… Alors que l’on songe à des lois punitives en France, je pense que l’on passe à côté de quelque chose… L’instruction, l’éducation. Apprendre aux enfants la valeur d’un être, de son corps… La sanction pour moi n’est là que pour limiter les dégâts mais n’intervient pas quant à la racine du problème. Nous avons eu un débat assez houleux pendant un cours suite à un exposé sur la prostitution en France et en Allemagne, là où elle est légale. Et la question du « droit à disposer de son corps » a été mise sur le tapis, sauf que personnellement, après avoir vu un reportage comme celui-ci, comment peut on encore décemment penser que la prostitution est un choix ? Peut-être dans 1, ou 2% des cas, et encore. Mais quand il s’agit d’une gamine de 12 ans, qui se prostitue dans la rue depuis des années et qui se trouve vendue à un bordel pour quelques Takas, je me permets d’émettre de forts doutes quant au choix de carrière…
Alors de notre point de vue européen, ça change la donne forcément, mais… Et si on élargissant un peu notre champ de vision… ?
Les premières minutes sont un peu « olé olé », mais passée l’introduction… Ce n’est que poignant de vérité.
Synopsis disponible sur Youtube : Bangkok. À "L'Aquarium", qui surplombe une galerie commerciale, les filles sont dotées de numéros et sagement assises sur des gradins derrière une vitre. Le patron du lieu vante aux clients les qualités de ses recrues, de l'étudiante docile à la "tigresse". Les tarifs, de 35 à 41€, varient en fonction de l'âge et des spécialités requises. Habillées à la dernière mode, les filles pointent en arrivant et prient devant un petit autel bouddhique pour avoir assez de travail...
Faridpur, district de Dhaka, Bangladesh. Au coeur de cette ville de 1,7 million d'habitants, un bordel géant nommé "Cité de la Joie". Des ruelles insalubres, de minuscules pièces en rez-de-chaussée et à l'étage, pas de sanitaires mais des seaux et des cuvettes. C'est le royaume de plusieurs mères-maquerelles qui ont chacune leur cohorte de gagneuses qu'elles achètent (entre 45 et 75€) à des rabatteuses et dont elles font l'"éducation". La passe coûte entre 2 et 4€. Mais ici, religion musulmane oblige, les prostituées sont très "couvertes" en public...
Reynosa, Mexique. Dans cette immense agglomération industrielle à la frontière du Texas, la zona de tolerancia est un quartier contrôlé par une barrière, où les clients circulent en voiture. Ici le commerce du sexe s'insère dans un univers de syncrétisme à la mexicaine, avec ses rituels de sorcellerie, ses têtes de mort (la santa muerta) et une Sainte Vierge omniprésente sous forme de tatouages ou de statues. Les femmes espèrent se protéger ainsi des ravages de la drogue et de la violence des clients qu'elles satisfont moyennant 10 à 15€.
