Elle est une créature incroyable et de fait, elle est incroyablement dure a décrire.
Elle a un prénom d’héroïne tragique (mais si, vous savez, celle qui dit tout le temps : « Oh Roméo ! Roméo ! Pourquoi donc es-tu Roméo ! ») et d’ailleurs, tout est tragique en elle.
Elle a de tragiques épais cheveux acajous, de tragiques yeux bleus, un tragique nez délicat, une tragique bouche pulpeuse, un tragique visage d’héroïne Bollywood, une tragique peau de pêche légèrement olivâtre qui lui donne des allures de métisses, de tragiques hanches minces et parfaitement dessinées, un tragique postérieur parfaitement proportionné. Et elle n’a que treize ans. N’est-ce pas tragique ?
Je parle sans influence affective : elle est belle, tout le monde vous le dira, belle d’une beauté singulière et un peu imparfaite qui fait qu’elle se retrouvera sûrement un jour en couverture des plus grands magazines.
Elle a un sale caractère, un caractère de merde, un caractère d’emmerdeuse qui fait que lorsqu’on se dispute, le verbe est vite haut.
Elle est forte, un roc inébranlable qui parfois se fissure et laisse échapper quelques larmes cristallines qui m’arrachent le cœur. Elle est un soutien irrévocable, irréfutable, fan de la première heure. Elle et moi rions au diapason, de ces petites nuances de la vie que nous sommes les seules à comprendre.
Elle et moi nous exprimons notre amour de ces manières détournées qui nous sont propres. Elle et moi partageons l’éducation, les références culturelles et les répliques cultes.
Elle se trouve grosse, je la trouve belle. Elle a confiance en moi pour moi, j’ai confiance en elle pour elle. Elle me pousse au cul, je la remets dans le droit chemin. Nous faisons face à l’adversité, unies, quoi qu’il arrive, envers et contre tout. Nous ne parlons pas de l’inévitable, de la séparation douloureuse qui nous déchirera bientôt de l’intérieur.
Nous avons des blessures différentes mais faite par la même arme, pourtant de cela nous ne parlons jamais. Nous nous aimons si fort que parfois, nous nous haïssons. Nous avons grandi ensemble, mûri ensemble et nous vieillirons ensemble.
Parfois, elle m’en veux d’aller plus vite qu’elle. Malheureusement, c’est un privilège que je ne peux pas refuser, que je n’ai pas demandé. Je l’aide à grandir, elle me maintient dans un espace que le temps veut m’arracher. Elle sait toujours à quoi je pense, ce que j’ai. Elle calme mes crises d’angoisses et j’apaise les siennes. Elle comprend mon cynisme, s’insurge contre ma naïveté et voudrait détruire tous ceux qui me font du mal.
Je donnerais ma vie pour elle et quand elle souffre, je suis prête à arracher des têtes et à broyer des cœurs. Elle est si fragile dans sa dureté que j’ai par moments l’impression d’être la seule à la comprendre.
Elle a la vie dont j’ai parfois rêvé, elle rêve parfois d’être à ma place. Mais nous n’échangeons jamais de place. Elle est brune, je suis blonde, elle a les yeux bleus, les miens sont noisettes. Et pourtant, malgré toutes nos différences, elle est le reflet de mon âme, le seul miroir que je ne peux pas éviter et qui me renvoie la réalité bien en face, que ça me plaise ou non.
Elle marche un peu dans mes pas, il paraît que je suis son modèle. Ça aussi, c’est tragique, je suis portée en héroïne sans avoir rien fait pour ça. Elle est si indispensable à ma vie que je ne me souviens même plus de comment c’était avant elle. Elle, c’est ma sœur et je l’aime.