Humeurs

J'ai testé pour vous... le métier de téléopératrice, l'incroyable suite (on garde le meilleur pour la fin)

31 janvier 2013 - 15 : 55
par Tytania

Le précédent article nous avait laissé à la fin de quatre semaines de travail ardu (une semaine de formation suivie de trois semaines parfois éprouvantes psychologiquement à prendre des commandes par téléphone). Au vu de mes incroyables compétences (oui, car je peux avoir une voix très sympathique et agréable au téléphone), une nouvelle mission m'avait été proposée.


 

Je n'ai pas réfléchi très longtemps. D'abord, parce qu'il leur fallait une réponse rapide. Ensuite, parce que le Ministre de la Culture (ouais, parce que c'est le secteur dans lequel je me destinais normalement à œuvrer) ne m'avait toujours pas contacté pour me proposer un super poste, indécemment payé ! Enfin, parce que justement, je n'avais pas un compte particulièrement reluisant et que toute rentrée d'argent est bonne à prendre. Donc, comme vous l'aurez deviné mes perspicaces lecteurs et lectrices, j'ai accepté l'offre qui m'était faite.


 

Mais la mission est tombée à l'eau ! Je n'ai pas été oubliée pour autant car l'entreprise spécialisée dans le management de centres de contact et la relation client avait bien d'autres clients et d'autres missions. Et c'est ainsi que je me suis retrouvée, de nouveau le casque sur les oreilles mais cette fois, pour des appels sortants. Pendant quelques jours, j'allais travailler à des horaires inhabituels, quand les autres ne travaillent pas ! C'est à dire entre 12h et 14h puis entre 17h et 20h. Logique, puisqu'il s'agissait de joindre des gens comme vous et moi et qui bien souvent, ne travaillent pas ou plus à ces heures.


 

Ma nouvelle mission : une enquête de satisfaction concernant le service d'assistance téléphonique d'un célèbre magasin de bricolage. L'avantage était que je ne téléphonais qu'à des personnes concernées, qui avaient contacté ce service. Le deuxième bon point était que l'enquête en question pouvait réellement ne durer que 5 minutes, à condition que mes interlocuteurs n'aient pas trop de choses à dire. Dans l'ensemble, ce n'était pas une enquête trop désagréable. Et tant mieux. Car, le marché de l'emploi étant ce qu'il est aujourd'hui plus qu'hier (mais déjà hier), j'ai eu le plaisir de refaire cette enquête chaque mois pendant, ben plusieurs mois. A force, je connaissais le texte par cœur et pouvais même faire l'enquête à l'aveugle !


 

Ce qui était chiant, c'était de faire nos quotas. Eh oui, car il y a des quotas. Il fallait autant de questionnaires pour la personne qui s'occupait du rayon électricité, autant pour la personne qui aidait dans le secteur outillage et x questionnaires pour le Monsieur jardin. C'était toujours pour celui-là qu'on galérait le plus. Il n'était pas souvent sollicité et le peu de personne qui ont eu besoin de son aide n'étaient pas toujours disposées à nous répondre. Ben ouais, elles ont beau être un peu concernées, parfois, elles nous envoient ch*** !


 

En plus de tout cela, ce que j'en retiens, c'est que les portails électriques, c'est la merde parce que l'assistance téléphonique de ce magasin a très souvent été contactée pour des problèmes à ce sujet. Je crois qu'à cause de ça, je n'en achèterai pas !


 

Non, les téléopérateurs/trices ne sont pas des loosers


 

Cela m'a également permis de faire plus ample connaissance avec mes collègues. J'imagine que la plupart des gens pensent que ces métiers qu'ils dénigrent sont faits pour celles et ceux qui étaient nuls à l'école, qui n'ont que le bac, pour ceux qui l'ont, qui n'ont pas eu de gentilles fées qui se sont penchées sur leur berceau pour leur donner l'intelligence et que c'est pour ça qu'ils occupent ces postes. Téléopératrice, serveuse, caissière (valable aussi au masculin), pour moi, tous ces métiers sont à mettre dans le même panier, être pris de haut par les personnes à qui ont est obligé de sourire. Et pourtant, ce qu'ils peuvent se tromper. Mes collègues étaient pour la plupart étudiants et faisaient ce métier pour gagner un peu d'argent pour financer leurs études justement (ou pour payer leurs loisirs et leurs fringues pour l'une d'entre elles !). D'autres, comme moi, sortaient de longues études et cherchaient un emploi, un autre, dans leur branche.


 

Aussi, Mesdames et Messieurs qui vous croyez mieux que la petite caissière, la jeune serveuse, ou la dame au téléphone, dites-vous qu'en plus d'un cœur, elles sont aussi dotées d'un cerveau, de diplômes et que peut-être un jour, elles seront votre supérieur !


 

Voilà pour remettre un peu les choses à leur place concernant celles et ceux qui exercent ce passionnant métier que téléopérateur ou téléopératrice.


 

En plus de cette sympathique enquête pour un magasin de bricolage, j'ai eu la chance d'en faire d'autres afin de varier mes plaisirs ! La moins glamour : comment dire ? Pour une marque de protection pour personnes n'ayant plus suffisamment de contrôle sur leur vessie. Un sujet bien délicat à aborder avec nos interlocutrices (il me semble que nous n'avons eu que des femmes) et parfois même douloureux, autant pour elle que pour nous. Nous étions à la fois désolées (oui, au féminin car bizarrement, pour cette enquête, ils n'avaient recruté que des filles, pour notre sensibilité sans doute) et effrayées à l'écoute de cette jeune femme d'une petite vingtaine d'années, contrainte de porter le produit en question car son périnée n'était malheureusement plus ce qu'il était depuis son accouchement (ah, les joies d'avoir un enfant !).


 

Des êtres humains d'un nouveau genre


 

Celle qui s'est avérée la plus amusante : pour une société de transport en commun, que nous faisions régulièrement aussi. Là aussi, nous étions soumis aux quotas. Mais à force d'expérience, nous avions appris à ruser pour les remplir ! Nous rencontrions souvent des difficultés à avoir le quota de personnes empruntant le tramway, alors quand quelqu'un nous répondait qu'il prenait le métro et quelquefois le tram, on cochait plutôt le deuxième ! Et oui, on trichait, on grugeait, on truquait les chiffres ! Mais c'était pour la bonne cause, la nôtre. Parce qu'être obligé(e)s de revenir un jour de plus, peut-être même le samedi pour finir cette foutue enquête qui finissait par nous sortir par les trous de nez, non. Ensemble, nous étions solidaires dans ce combat pour les quotas. Et vers la fin, quand il ne nous fallait par exemple plus que deux interlocuteurs qui prenaient ce fameux tramway, nous exultions de joie quand l'un de nous s'exclamait : « Et un tramway ! ».


 

En vérité, il n'y avait pas que ce critère qui nous posait problème. Et nous avons dû venir un samedi matin. Il n'y avait pas de chef pour nous surveiller, l'ambiance était donc bonne. Tellement qu'un de nos collègues s'est amusé à faire des blagues téléphoniques, pour nous distraire. Chut, il ne faut rien dire. Il fallait bien décompresser un peu. Alors il appelait quelqu'un et se faisait passer pour une association de colombophilie ou il contactait une personne pour lui dire qu'il était intéressé par leur annonce pour l'aspirateur (qu'il n'avait jamais mise évidemment !). Mais le plus important, c'est que j'ai découvert, grâce à cette enquête, un nouveau genre, que j'ai appelé : « les femmes-pénis ». Nous arrivions, à la fin, à ne devoir interroger que des hommes (le quota de femme étant atteint), entre 20 et 35 ans et prenant le bus ou le tramway. Afin de ne pas perdre de temps, nous demandions directement s'il y en avait chez eux. Tenez-vous bien, j'ai régulièrement eu des interlocutrices qui m'ont répondu : « Oui, moi. » ! - « Mais, vous n'êtes pas un homme ? » Et là, c'était comme une révélation qui leur était faite : « Ah non. » S'il n'y en avait eu qu'une mais j'en ai vraiment eu plusieurs ! J'en ai même une qui jusqu'au bout, a répondu à toutes mes questions (j'avais un doute mais sa voix était suffisamment ambiguë pour que je n'ose pas risquer un impair) mais à la fin, elle s'est vendue en me disant qu'elle était étudiante. J'ai quand même validé le questionnaire !


 

Voilà, vous savez maintenant tout sur le merveilleux métier de téléopératrice. Enfin, l'une de ses facettes car je n'ai pas tout fait. Je n'ose imaginer à quel point cela doit être difficile de travailler pour un service réclamations et s'en prendre plein la gueule à longueur de journée alors qu'on n'y est pour rien. C'est pour ça que je suis toujours sympa avec tous ces gens.


 

 Source photo : www.photo-libre.fr


 

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