Mon 36 m'a quittée... Nan mais tu imagines le drame ? Comment ça, tu t'en tamponnes le coquillard ? Mais mon 36, c'était mon âme-sœur, quoi. Lui et moi, on était toujours là l'un pour l'autre. Enfin surtout lui pour moi, je te l'accorde. Et là, de voir qu'il m'a lâchement abandonnée, comme ça, sans un mot, que je ne le reverrai sans doute jamais, j'en ai le cœur en miettes. Et le reflet en fait. Surtout.
Bon d'accord, on ne te la fait pas à toi. Comment s'apitoyer sur une femme qui ose balancer, comme ça sur la toile, comme si de rien n'était, qu'elle a une relation exclusive avec son 36 ? Ouais c'est vrai, je le reconnais. C'est pas tout à fait exact. Je lui ai fait des infidélités. Des petites au début, juste passagères. Des histoires d'un pantalon comme on dit. Et puis, c'est devenu plus fort que moi. Mon corps a pris le pouvoir sur mon esprit. Ou plutôt un petit habitant à l'intérieur de moi a poussé les murs, rendant le petit 36 obsolète. Pareil pour le second squatteur, quelques années plus tard. Mais donner la vie, ce n'est pas tromper, n'est-ce pas ?
Je ne te ferai pas croire que j'ai retrouvé ma taille de guêpe en deux temps trois mouvements. Mais tu sais ce que c'est – ou pas - dès qu'on arrive à rentrer, même difficilement, dans nos vêtements d'avant le mode baleine, on n'hésite pas. Quitte à ce que ça tire un peu sur les coutures. C'est comme ça qu'en feuilletant un album photos, on s'attendrit sur celles où on était enceinte, alors qu'on a des hauts-le-cœur devant celles qui suivent la naissance. Bref. Peu à peu, le corps retrouve ses droits. Ou presque. Parce que, la nature n'étant pas que bien faite, quelques différences subsistent. Que je ne citerai pas. C'est mieux comme ça, crois-moi.
Durant les séances de shopping qui ont suivi cette période-là, étape nécessaire pour trouver des vêtements dans lesquels je me sentais bien, pas trop serrée quoi, j'ai dû faire des concessions. Laisser de côté les tailles trop basses et les petits tops ras-le-nombril. Mais je l'ai fait de bonne grâce, parce que c'était le jeu. J'étais mère après tout, ça n'avait pas de prix. Et puis quand même, ma bonne vieille taille 36 était de retour ! Pour les hauts, pas de problème. Pour les bas, contre toute attente, ça passait aussi … A croire qu'ils avaient changé la nomenclature des tailles pendant mon abstinence de 36.
Et là, depuis quelques temps, alors qu'aucun nouvel invité n'est attendu ni reparti depuis déjà plusieurs années, voilà que mon 36 me joue des tours. Lui et moi, qui nous entendions si bien, voilà qu'il commence à me taper sur les nerfs. Certains pantalons sont mis au rebut pour cause de popotin trop serré. D'autres perdent leurs moyens et doivent passer par la case raccommodage. Quant aux petits hauts, ils remontent désespérément et me laissent de moins en moins de liberté. Pareil pour les sous-vêtements qui s'incrustent et endolorissent ma peau. Je mets d'abord ça sur le compte du sèche-linge, le fourbe, qui a tendance à faire rétrécir mes fringues. Mais une petite séance de lèche-vitrine me pousse à voir la réalité en face. Mon 36 m'a trahie. Lui et moi, c'est du passé. Je dois dire que je n'étais pas fière, devant le miroir du magasin, de constater l'étendue de notre rupture. Mais pas question de lui donner raison. Je n'étais pas en état de passer à la taille au dessus. Pas comme ça, pas si vite. Il me fallait d'abord pleurer mon 36, à jamais perdu.
De retour à la maison, j'ose enfin prononcer les douloureux mots. « J'ai pris du poids ». « Combien ? » demande Grandhomme… Qu'est ce que j'en sais moi, c'est pas la question. Je n'ai pas 36 solutions (oh non, revoilà ce traître ...). Faire avec, ou m’atteler à la lourde tâche (décidément, le vocabulaire est contre moi) de maigrir. Je sais trop bien pourquoi mon 36 m'a fuie. Il m'avait pourtant prévenue : « arrête de grignoter !! »
Alors, durant quelques jours, je fais des efforts. Du moins j'essaye. Mais le petit apéro tout en préparant le repas, le carré de chocolat avec le film du soir, je n'ai pas le cœur à les laisser tomber. Si je ne peux même pas me réconforter de cette séparation odieuse, quel intérêt. Et puis il faut se rendre à l'évidence. Même si j'ai du mal à me regarder dans la glace quand je sors de la douche, ce n'est pas non plus la cata internationale. Grandhomme lui même m'assure qu'il n'est pas contre quelques formes supplémentaires. Tu m'étonnes, moi aussi je voudrais des pamplemousses à la place de mes mandarines. Mais tu te doutes bien que ce n'est pas là qu'elles ont élu domicile, les coquines. D'ailleurs c'est bien simple, j'ai pris des centimètres de tour de poitrine, mais pas de bonnet. Et pourtant, qu'est ce qu'on perd en premier quand on fait un régime ? Bingo, des seins. Quand je te dis que la nature n'est pas que bien faite.
Pleine de bonnes résolutions, je décide finalement de m'accepter comme je suis. Et pour fêter ça, et accessoirement trouver des fringues dans lesquelles je me sens bien, un retour en magasin s'impose. Pour mettre toutes les chances de mon côté et trouver LE petit pantalon qui me mettra en valeur, j'en choppe tout un tas en rayon. Arrivée en cabine, j'arme mon regard objectif avant de me lancer dans les essayages. Oh, mais dis moi, on dirait qu'on a trouvé un vainqueur ! Et même un deuxième, et oh, un petit troiz ! Ah ben voilà, on dirait qu'une belle amitié avec Mr 38 est en train de naître. A savoir si ça en restera là, si ça deviendra le grand amour ou s'il me faudra aussi subir une horrible rupture avant de faire connaissance avec M. 40, l'avenir nous le dira.
Et toi, tu entretiens une relation harmonieuse avec ta taille ?