Humeurs

Vis ma vie d’hôtesse de l’air

11 juillet 2017 - 16 : 23
par Le Chat Rose Hôtesse de l’air. Quatre mots qui réveillent en vous, souvent, non pas le tourbillon d’un vent de folie, mais quelques idées préconçues, deux ou trois clichés et parfois même un peu de fantasmes.

Il existe un mot bien moins glamour pour désigner en fait mon métier : Personnel Navigant Commercial ou PNC. (A l’opposé du personnel navigant technique ou PNT qui désigne le poste de pilotage. Et vous faites désormais le lien avec le fameux PNC du « PNC aux portes, armement des toboggans, et cætera, et cætera »)  Pour être plus précise je suis PNC sur courts et moyens courriers (je vais donc en Europe et en France). Et si notre métier reste le même que celui des équipages longs courriers, notre quotidien est totalement différent.

Arrêtez-moi si je me trompe, mais pour vous je suis bien souvent une serveuse de café à plus de trente mille pieds d’altitude (en partant du principe que vous savez qu’un avion vole plus ou moins à cette hauteur-là) ! Entre nous, c’est plutôt vrai. A ceci près que je sers des cafés mais aussi d’autres boissons chaudes ou fraîches, ainsi que de quoi vous occuper nourrir durant les quelques heures de vol que nous passons ensemble. Mais si cette partie de mon métier est la partie émergente de l’iceberg, celle que vous avez l’occasion de voir (et je vous souhaite de ne voir que celle-ci), il y a une toute autre réalité que vous ne voyez pas (mais dont vous aurez désormais connaissance).

D’abord notre mission première est d’assurer à bord votre sécurité. Absolument, j’ai bien dit « sécurité » ! Un avion, ça ne vous a pas échappé, ça vole ! Ça vole à la fois très vite et à la fois très haut. C’est le résultat de la combinaison de la vitesse et de deux forces : une « verticale » et une « horizontale » appelés la portance et la traînée (ce mot ne désigne personne en particulier) que je vous expliquerai avec plaisir plus en détails lors d’un prochain article. Rien à voir avec de la magie ! Quoique.

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Comme dans n’importe quel endroit sur terre que vous fréquentez au quotidien (votre voiture, votre cuisine, …) peuvent se produire à bord d’un avion plusieurs types d’incidents. Par incident j’entends des situations d’urgence plus ou moins importantes qui nécessitent une intervention. A cette altitude et à cette vitesse, il est bon de se souvenir que l’avion ne peut pas s’arrêter n’importe quand et n’importe où et que le secours le plus adapté n’est pas toujours présent à bord. C’est pourquoi *TADAM* nous sommes là ! (Ca, c’est presque de la magie)

D’abord, nous savons les repérer, nous avons appris à les voir venir et à les anticiper. C’est pourquoi le moindre bruit de rack qui s’ouvre nous fait bondir hors du galley (la cuisine en langage PNC) ou courir à l’autre extrémité de la cabine, c’est pourquoi la moindre personne qui dort un peu trop profondément attire notre attention, c’est pourquoi une odeur inhabituelle (l’eau de Cologne, l’odeur de pieds renfermés ou celle d’une couche trop pleine n’en faisant pas partie) nous interpelle, c’est pourquoi la sueur sur le front d’un passager, ses pleurs ou l’angoisse qui se lit sur son visage nous amène à lui demander ce qu’il se passe.

Alors nous ne sommes pas dotés d’un BAC+18 pour atteindre les compétences à la fois d’un pompier, d’un médecin, d’une infirmière, d’une gynécologue, ou encore d’un employé des forces de l’ordre. En revanche, nous en avons appris quelques bases, les premières, celles qui peuvent permettre d’attendre le relais de professionnels une fois arrivés au sol.

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Mais parfois, nous sommes, nous, les professionnels. Pour faire (vraiment très) simple, il y a deux situations où nous seuls savons par cœur comment réagir et que faire exactement : une dépressurisation et une évacuation. Là, personne d’autre ne peut intervenir. Disons que si vous savez a priori quoi faire (tirer sur un masque et l’enfiler dans un cas, ou courir vite dans l’autre), nous sommes là pour gérer la foule en délire. Et nos nombreuses procédures ne s’arrêtent pas à ces seules consignes !

De façon générale, la raison pour laquelle nous avons choisi de voler, c’est d’être là pour vous. Parce qu’en plus de cette mission de « sécurité avant tout », nous sommes là pour votre confort et votre bien-être.

Vous êtes nombreux à avoir peur de l’avion. Les statistiques ne sont pas très exactes à ce sujet mais disons que vous êtes au moins deux sur trois à être concernés : en allant de la grosse crise de panique à la simple appréhension légère, cette petite dose d’adrénaline que procure au moins le décollage ou l’atterrissage (Wouhou ! Oui, on a tous 4 ans quand l’avion accélère et nous colle au fond du siège avant de ne plus toucher le sol ou quand il descend et que la perte d’altitude nous fait des chatouilles dans le ventre *gniiiii*). Et c’est là qu’intervient notre sourire légendaire ! C’est lui que vous cherchez quand vous êtes inquiets. C’est le nombre de dents que nous laissons apparaître qui vous indique sur une échelle de 1 à 32 le degré d’inquiétude sur lequel vous devez vous situer (vade retro, rouge à lèvres qui atterrit sur la dent !). Alors nous essayons de faire en sorte que vous en voyiez toujours un certain nombre proche de 32.

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Et j’en profite pour vous dire merci. Merci d’être vous ! Merci pour votre gentillesse, votre reconnaissance, votre respect, votre politesse, votre bonne humeur. Merci pour ces petits mots à notre attention, merci pour vos sourires en échange, merci pour vos anecdotes de vacances, merci de nous voir comme des humains, merci pour vos blagues, merci pour vos compliments, merci d’être heureux de nous voir sur votre vol retour, merci d’être vous !

Mais si vous êtes une des principales raisons pour lesquelles nous avons choisi ce métier, il en existe une autre : la vie de PNC et tous les avantages qu’elle présente, comme notamment le fait que la routine ne fait absolument pas partie du quotidien.

Chaque jour, les vols changent. Mes semaines ne commencent pas le lundi, ne finissent pas le vendredi et mes week-ends ne sont pas toujours les samedi-dimanche. Parfois mes semaines peuvent durer entre 1 et 6 jours de vols consécutifs, mes journées durent entre 6h et 12h (voire plus) sans pause déjeuner avec quatre vols à la suite la plupart du temps mais en contrepartie mes week-ends n’ont pas de durée maximum, bien qu’ils dépassent rarement les 4 jours. Il y a également des jours où je suis à la disposition de la compagnie, en cas de besoin, au cas où un membre d’équipage ne pourrait pas assurer son vol pour diverses raisons. Ces jours-là, mes bas de contention sont prêts à être enfilés, mes habits de lumière sont repassés, mon make-up n’est jamais très loin, mon bun a toutes ses épingles à proximité, ma valise est prête, la batterie de mon téléphone est chargée et le plein de ma voiture est fait (un détail qui peut avoir son importance si je suis appelée à 5h du matin).

Chaque jour, l’équipage change. Et c’est chaque jour l’occasion de découvrir de nouvelles personnes, de nouvelles personnalités, d’apprendre encore et encore. J’ai la chance d’être entourée par des membres d’équipage venant de pays différents, alors parfois j’apprends encore et encore de nouveaux mots dans une langue qui n’est pas la mienne. Par exemple, je suis désormais en mesure d’inclure dans une phrase quelconque les mots « Giripollas » en espagnol (Google traduction pourra vous aider si besoin) ou encore « Testa di cazo » en italien. J’améliore chaque jour mes compétences en poésie étrangère et c’est tout un art à pratiquer au quotidien ! Et j’ai pu constater que l’humain est beau. L’humain est bon. (Rien à voir avec les sandwichs qui sont… non rien (joke) !)

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Tous les soirs (comprendre entre 12h et 4h du matin) je rentre chez moi. Ou plutôt chez nous. Parce que je vis en colocation à 27 ans ! Et quel bonheur d’avoir quelqu’un à qui raconter cette journée longue et épuisante mais ô combien belle, quand même, au fond. Les journées avec option gros retard sont exclues sauf si les passagers ont été adorables. Ce qui arrive, oui, absolument ! (d’ailleurs, à l’attention des autres : sachez que nous sommes payés à l’heure de vol, pas à l’heure passée en uniforme, je vous laisse réfléchir au bonheur que nous avons quand vous nous hurlez dessus pensant que nous sommes en train de gagner le Jackpot). Et quel bonheur d’avoir toujours quelqu’un à attendre, quelqu’un qui nous attend, un petit post-it sur la table que l’on retrouve au réveil ou au retour de vols quand on ressemble alors à un zombie, quel bonheur de vivre avec quelqu’un qui comprend notre vie et qui l’aime aussi ! (Ceci est un message absolument pas plus ou moins subliminal à l’attention de celui qui aura un jour la chance de profiter de mes tickets GP (voir ci-après))

Et puis parfois, nous prenons l’avion comme vous prenez votre voiture ou le métro. Quand les horaires des vols correspondent à nos jours de repos nous partons visiter l’Europe (n’ayant pas l’occasion de le faire lors d’escales que nous n’avons pas, puisque nous ne voyons de nos destinations que les aéroports). Et c’est comme ça qu’en une saison j’ai pu visiter : Venise, Pise, Majorque, Valencia ou encore la Sicile et que je vais bientôt visiter Prague et Malaga pour un prix que je n’oserai pas vous dire (oh ça va, vous avez bien les tickets resto et les repas de Noël vous !). Alors j’ai le droit d’emmener quelqu’un avec moi, quelqu’un de mon choix (pour l’équivalent de quelques tickets resto). Depuis que j’exerce ce métier, ma liste d’amis a pris elle aussi son envol et mes cadeaux de Noël et d’anniversaires sont désormais d’une telle évidence…

Tout ça pour dire qu’avant j’étais agent immobilier. Aujourd’hui, je suis hôtesse de l’air. Et c’est à la fois mon plus grand bonheur et ma plus grande fierté !

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Le Chat Rose
En tant qu'hôtesse de l'air, la plupart du temps je vole. Mais quand je ne suis pas dans les airs, j'explore de nouvelles destinations mais aussi ma ville, et puis je fais du sport, je cuisine, je découvre, je critique. En fait, j'apprécie juste les plaisirs de la vie et je partage tout ça avec vous !