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Pourquoi l’application Gossip me fait peur

17 juin 2015 - 08 : 00
photo logo gossip Crédit photo : appligossip.com


Si vous n'avez pas encore entendu parler de la nouvelle application Gossip, ne vous inquiétez pas, ça ne va pas tarder ! Les médias ne cessent d’évoquer THE nouvelle application (utilisée principalement par les plus jeunes) qui a même été temporairement suspendue avant de revenir sur le marché.

Gossip, c'est quoi ?


En Anglais, le terme Gossip signifie "rumeur". Vous connaissez même peut-être déjà le terme grâce à la série Gossip Girl, ce feuilleton TV dans lequel de riches ados de la haute de New York sont la cible d'une inconnue qui poste toute leur vie sous forme de rumeurs, par le biais d'un site Internet évidemment consulté par toute la populace.

shhh

Sauf que depuis peu, la fiction est devenue réalité. Cindy Mouly a créé une application identique au concept de la fameuse série TV : on la télécharge sur notre mobile, on se connecte, et hop on peut s'amuser à publier des rumeurs sur qui-qu'on-veut de façon totalement anonyme selon l'application. NON MAIS ALLÔ ! Il n'y a que moi qui sente la perversité pointer le bout de son nez ?

Visiblement non, car l’application est accusée d’inciter au cyber-harcèlement. Pour les lecteurs qui me suivent et qui ont lu mon article sur le harcèlement, vous savez combien je suis sensible à ce phénomène, de plus en plus croissant grâce aux réseaux sociaux.

J’ai testé l’application qui nous prend pour des jambons


Cindy Mouly prétend n’avoir créé cette application que pour « rire » et « taquiner ». Mon moi citoyenne, mon moi prof, mon moi soucieuse du bien-être des jeunes a du mal à voir ce qu’il y a de drôle à inciter à semer le bazar dans des réseaux d’amis, surtout chez les adolescents où l’intimité et les confidences ont un rôle très important dans les liens d’amitié, et sont une phase importante de la construction de leur identité. Franchement, comme si les ados ne se faisaient déjà pas suffisamment de crasses entre eux sans cela.

Mais l’application me fait peur à bien d’autres égards, car elle ne protège pas les utilisateurs, ne les alerte pas sur les dangers de son utilisation, et à mon humble avis elle incite aussi à enfreindre le Code Civil et le Code pénal sans aucune restriction. Démonstration en 5 points, suite aux observations que j’ai pu faire lors de mon test :

  1. Lorsque vous vous apprêtez à utiliser l’application, celle-ci vous informe que vous devez obligatoirement avoir 18 ans. Mais bon, il suffit de dire oui-oui et on est bon. Chose incohérente, les CGU (Conditions Générales d’Utilisation) de Gossip précisent que l’on doit avoir 16 ans pour utiliser l’application.


Les CGU, c’est le contrat écrit en tout petit qu’on ne lit jamais, où l’on clique « accepter » pour être tranquilles. Et là en plus, il faut vraiment chercher la petite bête pour réussir à les lire, comme en témoigne le screenshot suivant.

Screenshot cgu

  1. On vous demande votre numéro de téléphone, l’accès à toute votre liste de contacts, et pour une utilisation optimale, de connecter votre compte Facebook à l’application. Seuls les membres de votre réseau peuvent voir les rumeurs (chose pernicieuse, car l’on se dira constamment que ce qui est publié vient de notre entourage !). Vive l’anonymat et le sentiment de sécurité ! Si les rumeurs sont en effet publiées de façon anonyme, ces informations restent gravées dans des bases de données, et certains s’en mordront sûrement les doigts le jour où elles seront revendues, ou percées à jour par un petit malin qui piratera la chose (même si la créatrice se défend de toute procédure de ce genre, mais hé, Mark Zuckerberg nous l’a déjà faite celle là, hein ?).



  1. L’application utilise tout un jargon spécifique au commérage, et même digne de maîtres chanteurs. L’on publie des rumeurs, et même des « preuves » lorsque l’on met en ligne une vidéo ou une photo. Les jeunes se retrouvent ainsi transformés en véritables petits paparazzis sans même s’en rendre compte. Cela s’apparente à du voyeurisme : observez vos contacts, filmez-les, racontez leur vie, tel est le but de l’appli. Et quelque part, on les pousse à enfreindre le droit à l’image : ce droit que tout le monde a de ne pas voir une photo, vidéo ou même un passage audio de soi divulgué de façon publique. Aucune alerte ni aucun avertissement sur le sujet n’est mentionné sur l’application, alors qu’il s’agit d’un droit fondamental expliqué dans le Code Civil et dans le Code Pénal.



  1. Toujours dans les CGU, on trouve plusieurs clauses qui représentent une vaste blague compte-tenu du principe de l’application, pour exemple je n’en citerai qu’une : « L’utilisateur s’engage à utiliser le Service dans le respect des tiers, et sans intention de nuire. »


LOL. Depuis quand les rumeurs, photos prises sans accord et les secrets les plus intimes publiés intentionnellement sont-ils gentils, et sans intention de nuire ? Cette clause est antithétique avec l’application.

  1. Il est aussi précisé dans les CGU que tout message à caractère harcelant ou incitant au harcèlement est interdit. J’aimerais bien connaître la définition de « harcelant », car cela diffère beaucoup selon les contextes, le vécu de la personne auteure et de la personne visée. Cette interdiction ne veut rien dire à mon sens, surtout que l’on pourra toujours créer des codes ou des expressions pour remplacer les insultes et autres procédés de harcèlement.


 

En conclusion


Gossip me fait peur, et je dirais même qu’elle représente un danger pour les jeunes. Cette application va à l’encontre de l’éducation à la citoyenneté (qui tient tant à cœur à l’Education Nationale en ce moment), et incite au cyber-harcèlement malgré les démentis et les propos des CGU. Qui plus est, elle requiert des données que l’on conseille toujours de protéger. Gossip ne veut pas le bien de vos enfants. Gossip ne veut que croître, afin de valoir un jour des millions pour permettre à Cindy Mouly de devenir riche en la revendant,  ce qui lui permettra d’écrire une nouvelle success story censée vendre du rêve. Personnellement, je rêve que cette application soit reconnue comme dangereuse et retirée du marché.

 

Protégez vos ados, vos jeunes, et le respect  de la notion de citoyenneté.
Passez le message à votre voisin.

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C. the teacher
Jeune prof, Caroline partage ses humeurs, les questions qu’elle se pose sur son métier et plein de petits bricolages maison pour gérer ses tocs d’organisation !