Humeurs

Les souvenirs remontent parfois...

10 octobre 2014 - 20 : 00
Elle a connu des choses pas jolies jolies, des chagrins si profonds, qu'elle n'imaginait pas qu'un corps pouvait contenir autant de larmes.

Lili se souvient de son enfance. Au plus profond d'elle, ce qui ressort en premier est un sentiment de tristesse. « Quand j'étais petite, je pleurais. » Elle s'accroche à quelques bribes posées sur le papier photosensible. Des images où elle sourit, pour se convaincre qu'elle a quand même eu une enfance heureuse, elle aussi...

Elle repasse le film de son adolescence. Un sac de souvenirs en vrac.

Ceux de ces onze anges, partis trop tôt, pour veiller sur elle. C'est comme ça qu'elle a accepté tous ces départs prématurés de sa petite adolescence. Et s'ils profitaient d'être si haut pour veiller sur cette petite personne fragile qu'elle était...
Et cette amitié complètement ratée parce qu'elle était dans l'excès. À trop s'aimer, on finit toujours par se détester. Et ça, ça laisse des traces.

Puis apprendre d'où on vient. Connaître le but de ces médicaments avalés par sa mère, chaque matin chaque soir, depuis si longtemps. Découvrir que si elle ne les prend pas, elle est trop malheureuse, sa maman. Et puis comprendre...

Comprendre lorsqu'à 15 ans, elle doit gérer le retour tardif de son père, un soir presque comme un autre. Un soir où, enfin, elle est redescendue, pour se mêler de ce qui se passait en bas, encore une fois. Le premier soir où elle a donné un sens à cette odeur si particulière de son propre père. Une odeur qu'elle n'arrivait pas à identifier...

Le premier soir où elle s'est posée face à lui, autour de la table en formica de la cuisine, l'homme la tête dans les mains, la diction flanchante et les yeux vitreux. Elle en a passé des débuts de nuit, à lui expliquer qu'il avait une maladie, qu'on pouvait tous l'aider à s'en sortir, s'il le voulait. Des cris pour lui signifier à quel point ce comportement ruinait toute la famille. Le lac de larmes qu'il faisait couler. Des mots pour le convaincre qu'à la maison, aussi, c'est bien. Que le comptoir ne résoudra rien. Les mouchoirs mouillés accumulés, pour lui rappeler à quel point il nous manquait, à quel point son absence la rongeait. Des silences, les yeux dans les yeux, parce que les mots se noyaient dans son esprit trop occupé...

Tout cela pour retourner doucement se coucher, dormir, avant que le réveil ne sonne pour aller au collège, au lycée, pendant toutes ces années...

On a tous un passé, ces choses qui nous construisent... Qui font ce que nous sommes. On a tous des larmes perdues pour des raisons méconnues. Tous des poignards enfoncés trop dur à retirer.

Ce n'est pas parce qu'une femme sourit que la vie ne lui a rien appris. Ce n'est pas parce qu'un homme se revendique heureux qu'il a toujours été au mieux. C'est même tout ça, qui fait qu'aujourd'hui on se bat, et qu'on assume parfaitement nos choix...

Alors quand ma jolie voisine me dit « Je ne peux pas te dire, ma fille a un problème, mais je ne peux pas te dire.»
« Elle boit. »

Alors quand je la vois, oser m'avouer ça, me dire à haute voix ces deux mots-là, que je vois ses larmes monter dans ses yeux, je n'ai qu'une chose à faire, la prendre contre moi, en lui disant, « je comprends ma Jolie, je comprends... » 

Source image : 505PH
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