Toi, le frère que je n'ai jamais eu

De tous mes regrets, tu es le plus fort et le plus frustrant. J'aurais aimé un grand frère.

Bien entendu, ce souhait ne dépendait pas de moi. Peut-être ai-je un demi-frère, né d'une relation adultère ? Va savoir...

Je te cherche souvent. Je repousse mes limites, je me mets en danger pour que tu viennes, mais tu n'arrives pas. Tu n'es pas là. Tu n'existe pas et je continue de croire que je pourrai trouver un grand frère. Quelque part. En quelqu'un.

Petite, je rêvais de pouvoir jouer avec toi. Je t'aurais emprunté tes jouets, on aurait fait des courses de voiture par milliers. Le soir, tu m'aurais lu des histoires terrifiantes. J'aurais été obligée de dormir avec toi, blottie contre ton souffle rassurant. A l'école, tu m'aurais protégée. Des autres. Tu m'aurais aidée à m'ouvrir, à aller vers eux, sans avoir peur. Tu aurais tabassé le premier venu, au moindre écart. A l'adolescence, je sais que tu m'aurais appris à faire face, tu n'aurais pas lâché ma main pendant les moments difficiles. On se serait sûrement éloignés, pendant que toi tu deviendrais un homme et moi une femme. Et on se serait retrouvés, presque adultes. Aujourd'hui, je tiendrais ton enfant sur mes genoux, je le bercerais, sous ton regard bienveillant. On s'inviterait à dîner, on continuerait à faire des tournois de Tekken 3. On attendrait Noël comme des gosses pour s'offrir exactement ce dont on rêvait. On s’appellerait pendant des heurs pour tout se raconter.

Oh, mais je ne me leurre pas. Je sais que tu m'aurais empêché de rentrer dans ta chambre. Tu m'aurais endurci à force de bagarres. Nos disputes auraient éclaté chaque jour. Tu m'aurais sûrement déçue aussi, comme savent le faire les aînés. Mais à côté de mon admiration, ce n'aurait pas été grand-chose. Je t'aurais sûrement trouvé con parfois. Souvent même. On se serait détestés aussi. Fort.

Mais putain, qu'est-ce que je t'aurais aimé.