J'ai toujours été mince. Je ne parle pas de la minceur Rihanna, mais de la minceur comme les mannequins . J'ai un corps androgyne, paraît-il, mais c'est pour placer un mot sur ce que je suis. Depuis toute petite, j'ai cette impression de ne pas avoir le physique qu'il faut. J'ai toujours envié les filles avec des formes, et je ne supportais pas quand on me parlait de « mannequinat ».
Un jour, j'ai porté un pantalon slim, et je me souviendrais toujours de cette remarque que j'ai entendue derrière mon dos : « Ses jambes, on dirait des baguettes ». Ce n'est rien mais, à l'époque, ça m'avait marquée. Depuis, je n 'en ai plus remis jusqu'en 2012/2013. J'ai même commencer à développer un certain penchant pour les boyfriend jeans et je suis de plus en plus attirée par le style un peu garçon. Ca ne montre rien, ça ne dévoile rien.
Puis, un jour, on m'a fait comprendre que j'avais de la chance. Que je faisais partie de ce pourcentage de filles qui peuvent se tapper Big Mac sur Big Mac sans grossir. Qui ne galèrent pas pour trouver la bonne taille de jean, ou qui n'ont pas besoin d'essayer pour s'assurer que le jean ne reste pas coincé aux genoux. Et que, dans le fond, certaines filles voudraient être à ma place. Oui mais après ?
J'ai été longtemps complexée à cause des « t'es anorexique ? ». A cause des « toujours aussi maigre ! ». Au point où je me suis pointée chez le docteur pour lui demander si j'étais normale et si je ne devrais pas aller voir un diététicien. Avec ces questions récurrentes : « Comment faire pour grossir ? », « Que manger ? », « Comment ? ». Un tas de questions qui se bousculaient dans ma tête jusqu'à ce que le médecin me dise :
- « Votre IMC est normal, il n'y à rien à changer. Si je me souviens bien, votre père est grand et mince ? ».
- « Oui ».
- « Dans ce cas, c'est normal, vous grossirez en temps et en heure. Il faut juste surveiller votre alimentation pour éviter des désagréments plus tard ».
Je me suis sentie soulagée, et je me disais enfin « je suis normale ». Finalement, ce souci ne concerne pas que les personnes en surpoids. Je sais que, bien évidemment, ce n'est pas comparable, mais la douleur reste présente quand on est constamment comparée aux autres. Dévisagée voire scrutée parfois. On en devient parano ! En Martinique, les filles sont généralement rondes, alors autant dire que je fait tache dans le décor.
Depuis, j'essaye de m'assumer telle que je suis ! Je ne grossis pas, je suis trop mince pour toi et si ça t'empêche de dormir, cela ne me regarde pas ! J'en ai fini avec ces prises de têtes, ces pleurs le soir parce que des personnes que j'ai croisées n'ont pas hésité à me faire comprendre que je ne suis pas dans la « norme », des personnes que j'ai aimées, des gars des filles, des ADULTES même, des membres de ma famille aussi...
Et puis, c'est quoi la norme ? Surtout basée sur l'apparence ? Des règles élaborées par on ne sait qui, on ne sait quand ? On juste un putain d'idéal qu'on ancre dans la tête des gens au point de faire souffrir ceux qui « aux yeux de la société » ne sont pas dans la norme ? Ca me rendait malade ! Ca me rendait malade pour moi et pour les autres. Ceux qui se sentent mal dans leur peau parce que tu ne ressembles pas à Adriana Karembeu ou autre. Au point que j'avais honte de me montrer en maillot de bain, au point que je scrutais le corps de chaque fille en me demandant si j'étais si mince que ça, ou si je me rapprochais un peu plus d'elle.
Cette foutue norme m'a rendue mal. Je ne peux pas essayer des talons sans que l'on me fixe (et sans que je touche le plafond par la même occasion #joke). Parce que je fais déjà 1m72 et encore, ça fait un moment que je ne me suis pas pesée. Et que faire 1m72 et porter des talons, c'est vouloir « décrocher la lune » comme dirait certains. Des femmes rondes sont toutes aussi belles que des femmes minces ! Il ne faut pas confondre minceur et maigreur !
Maintenant, je sais, on ne peut pas tout avoir, et on ne peut pas forcer les autres à garder les yeux dans leurs poches. La seule chose que je peux faire, c'est de ne plus être sensible à cette soit-disant norme, et à ces personnes, et avancer la tête haute en appréciant qui je suis.
