Humeurs

Un mojito au goût amer, ou pourquoi j'ai été droguée au GHB

22 février 2013 - 07 : 55

GHB - acide gammahydroxybutyrique. Plus communément appelé "drogue du viol".

Paris, été 2010. Ma meilleure amie est venue de Rennes passer le week-end avec moi. Un soir, nous sortons pour rejoindre sa sœur et le copain de cette dernière dans un bar. L'un de ses amis est également présent. D., 28 ans. Bel homme. Humour scandaleux. Tout ce que j'aime.

Je me revois encore en ce début de soirée, en train de rire à ses blagues en sirotant mon mojito. Et puis plus rien. Le trou noir.

A l'exception d'un flash, dont le souvenir me hante encore aujourd'hui. Je suis à l'hôpital, attachée par les poignets aux barreaux d'un lit, dans un couloir sordide. Je hurle. Je pleure. Je supplie chaque personne qui passe de me libérer. "On vous détachera quand vous serez calmée !", m'assène un infirmier. Et puis j'ai dû finir par m'endormir.

A mon réveil, ma meilleure amie est près de moi, et mes liens ont disparu. Je porte encore mon pull de la veille. Mais où est donc passé mon soutien-gorge ? Et pourquoi est-ce que je me sens si vaseuse ? Plus tard les questions. Pour  mon cerveau embrumé, l'urgence, c'est de m'enfuir le plus loin possible de cet hôpital. Je me lève, chancelante et désorientée, et je rase les murs jusqu'aux toilettes pour tenter de me redonner un semblant d'apparence normale et éviter d'éveiller l'attention. Et puis on s'enfuit comme des voleuses, ma meilleure amie et moi, sans demander notre reste. De retour chez moi, je  m'écroule jusqu'à 17h, moi, l'incurable lève-tôt.

C'est à mon réveil que le vrai cauchemar commence, lorsque ma meilleure amie me raconte enfin ce qu'il m'est arrivé, du moins une partie, car elle n'avait pas été témoin de tout. La partie manquante de la soirée m'a finalement été racontée plus tard, au téléphone, par un parfait inconnu, client du bar ce soir-là, qui avait dragué ma meilleure amie et lui avait laissé son numéro. Assis à la table voisine, il avait donc été témoin de la plus terrible humiliation de toute ma vie.

Nous avions tous bu plusieurs verres, mais plutôt peu compte-tenu des cuites monumentales que je me suis infligées au cours de ma jeunesse pour le moins... fougueuse.

Quelques petits verres n'expliquent pas comment j'ai pu laisser ce D., rencontré quelques heures plus tôt, me déshabiller au beau milieu de ce bar, sans la moindre réaction, et comment je me suis retrouvée seins nus, hagarde, exposée à tous les regards.

Quelques petits verres n'expliquent pas pourquoi je me suis ensuite tout bonnement écroulée sur la table, évanouie.

Quelques petits verres n'expliquent pas non plus pourquoi, en reprenant connaissance, j'ai copieusement insulté les ambulanciers qui ont tenté de me prendre en charge, et pourquoi je balançais des coups en hurlant comme un animal pris au piège chaque fois qu'ils tentaient une approche.

Quelques petits verres n'expliquent pas pourquoi, dans l'ambulance, je ne reconnaissais pas ma meilleure amie, assise près de moi, et pourquoi je l'ai réclamée inlassablement pendant tout le trajet.

Quelques petits verres n'expliquent pas pourquoi les ambulanciers lui ont demandé ce que j'avais ingurgité d'autre que de l'alcool pour que mes pupilles aient une telle allure.

Quelques petits verres n'expliquent pas comment, enfin, je me suis retrouvée les poings liés sur un lit d'hôpital, sans le moindre souvenir de ce qu'il m'était arrivé et de la raison de ma présence en ces lieux.

En revanche, 3 lettres suffisent à lever le voile sur ces mystères : GHB. Soluble dans les liquides, insipide, inodore. Désinhibant sexuel à petite dose. Sédatif à plus haute dose, induisant une passivité, une apathie, voire une perte de connaissance de la part de la victime, ainsi qu'une amnésie, et éventuellement, un état de confusion et un comportement anormal et violent.

Plutôt pas mal comme niveau de concordance avec mes mésaventures, n'est-ce pas ? Et inutile de chercher bien loin pour savoir qui m'avait fait cette "blague" sordide. Finalement, ma "chance" a été de m'évanouir. J'imagine que ce n'était pas exactement le scénario que D. avait prévu.

Le plus difficile à gérer par la suite a été de savoir que quelque chose de moche m'était arrivé, sans en avoir le moindre souvenir, mis à part ce flash, à l'hôpital. Certains jours, je l'occultais presque, comme s'il s'agissait de l'histoire de quelqu'un d'autre. Et puis parfois, tout ça me rattrapait, et j'étais envahie par une immense vague de dégoût et d'amertume.

Bien sûr, j'avais déjà lu des choses à ce sujet, et on m'avait déjà mise en garde contre les verres offerts dans les bars par des inconnus.

Oui, mais comment se méfier d'une personne assise à sa propre table ?


 

Article rédigé par Octopus.

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